Avis aux voyageurs prudes, le gouvernement canadien a choisi de sortir l'artillerie lourde pour répondre aux inquiétudes à la suite du récent attentat raté dans un avion aux Etats-Unis. D'ici le printemps, les aéroports canadiens majeurs seront munis de scanners corporels permettant de voir à travers les vêtements des voyageurs.

Un total de 44 scanners produisant des fouilles à nu virtuelles seront éventuellement mis en place dans les aéroports du pays, dont celui de Montréal. La facture s'annonce cependant salée, puisque le coût de chacun de ces appareils s'élève à 250 000 $.

Le ministre fédéral des Transports, John Baird, estime que la dépense est raisonnable, voire essentielle.

«Notre première priorité est la sécurité des Canadiens», a-t-il fait valoir en annonçant l'achat de ces scanners, mardi.

Les 11 premiers scanners devraient être implantés dans huit aéroports au pays la semaine prochaine, notamment à Montréal, Toronto et Ottawa. Le reste des appareils sera acheté d'ici la fin du printemps.

Ce plan fait écho à la récente tentative d'un Nigérian de faire sauter un avion au-dessus de l'Etat américain du Michigan, à l'aide d'explosifs cousus dans ses sous-vêtements.

Le système de scanner, testé en Colombie-Britannique à l'aéroport de Kelowna, permet aux agents de voir si des passagers transportent sur eux des explosifs ou d'autres objets dangereux.

La mesure fait l'objet d'une controverse parce que les scanners créent une image tridimensionnelle du contour du corps nu des voyageurs, sans brouiller ou voiler aucun endroit du corps. Les appareils ont malgré tout obtenu l'aval du bureau du Commissariat à la protection de la vie privée.

«Notre position est que la vie privée doit être réconciliée, intégrée aux mesures de sécurité», a expliqué en entrevue téléphonique Chantal Bernier, commissaire adjointe à la protection de la vie privée du Canada.

Mme Bernier indique que l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) a répondu à plusieurs des inquiétudes du commissariat, notamment en assurant que l'anonymat du voyageur sera respecté.

«Il n'y aucune corrélation entre l'image et l'identité du passager. C'est tout à fait discret. L'agent qui voit l'image est à distance, il est dans une pièce fermée dans laquelle il ou elle ne peut apporter aucune technologie qui pourrait diffuser l'image», a noté la commissaire adjointe.

Les images prises des passagers ne pourront être archivées et devront être effacées automatiquement. L'ACSTA a également fait la preuve, selon Mme Bernier, que le nouveau système était non seulement nécessaire, mais qu'il était également efficace pour détecter des explosifs non-métalliques.

Pour l'instant, seuls les passagers à destination des Etats-Unis pourront avoir à se soumettre à la fouille virtuelle à nu. Elle n'aurait lieu qu'en fouille secondaire et la personne interpellée pourrait choisir de se soumettre à une fouille tactile plutôt que de traverser le scanner.

Selon le ministre d'Etat des transports, Rob Merrifield, des individus pourraient malgré tout être contraints à passer par le scanner corporel.

«C'est volontaire, à moins que l'on considère que vous soyez une menace, ce qui représente un autre niveau de risque pour les Canadiens», a-t-il souligné.

Les enfants de moins de 18 ans n'auront toutefois pas d'examen au scanner corporel.

C'est la compagnie L-3 qui a obtenu le lucratif contrat sans appel d'offre puisque selon M. Merrifield, «une seule compagnie répond aux critères».

Lenteur aux aéroports

L'implantation du nouveau système de sécurité soulève des questions quant à une éventuelle lourdeur des procédures à l'aéroport. Une firme indépendante chargée d'évaluer l'efficacité du projet pilote de Kelowna avait en effet conclu que les fouilles avec le scanner à ondes millimétriques nécessitaient plus de temps que les fouilles traditionnelles.

Le ministre Baird a admis sans détour que les scanners vont ralentir les procédures de sécurité. Mais encore là, le ministre estime que c'est la moindre des choses pour s'assurer de la sécurité des voyageurs.

De leur côté, les partis d'opposition aux Communes sont restés sur leurs gardes à l'égard de l'annonce du ministre.

«Est-ce que ça apporte quelque chose de plus en terme de sécurité? Jusqu'à présent, notre propre système semble marcher bien. Donc je ne pense pas qu'on devrait se sentir contraints d'imiter les Américains là-dessus», a soutenu Thomas Mulcair, chef-adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD).

Le libéral Joe Volpe a déploré pour sa part la décision du premier ministre Stephen Harper de proroger la session parlementaire, ce qui empêche le comité des Transports de faire son travail et d'étudier en profondeur la pertinence de l'implantation des scanners corporels, a-t-il fait valoir.