Bryan est arrivé à Montréal il y a deux semaines dans l'espoir de se dénicher un travail. Hier matin, le Franco-ontarien de 39 ans a engouffré son déjeuner puis a traversé la métropole à pied, non pas pour découvrir sa nouvelle ville, mais par instinct de survie.

«Toute la journée, je me suis répété dans ma tête: tu es une machine, tu es une machine. Marche. Marche. Marche... Si tu ne veux pas mourir de froid, marche comme un soldat!» a raconté hier soir, entre deux bouffées de cigarette, l'homme vêtu d'un simple coupe-vent.

Les périodes de grand froid sont particulièrement éprouvantes pour les hommes et les femmes qui vivent dans la rue. Bon an, mal an à Montréal, une poignée de sans-abri meurent gelés et seuls dans la neige. Depuis hier, les autorités sont sur le pied d'alerte pour éviter de telles tragédies. Mais les prochains jours risquent d'être difficiles. Environnement Canada prévoit une vague de froid qui devrait durer jusqu'en milieu de la semaine prochaine. Les températures ressenties devraient avoisiner les -30ºC.

«Les soirs d'hiver, nous avons une navette qui sillonne les rues de la ville pour amener au refuge les personnes qui sont dehors», a expliqué le directeur général de la Mission Old Brewery, Matthew Pearce. «On ne refuse personne. Jeudi soir, par exemple, il y a eu un débordement, donc on a installé des lits de camp dans une salle commune. Si l'on doit mettre des matelas dans les couloirs, on va le faire», a-t-il affirmé, en ajoutant que la Mission resterait exceptionnellement ouverte toute la journée aujourd'hui en raison des températures sibériennes.

Les patrouilleurs du Service de police de Montréal (SPVM) seront également plus vigilants au cours des prochains jours, a indiqué Marc Riopel, inspecteur au Service à la communauté du SPVM et responsable des dossiers liés à l'itinérance. Une fois la nuit tombée, les policiers visiteront les endroits privilégiés par les sans-abri pour se réchauffer, comme les bouches d'aération le long des lignes de métro, dit-il.

«Nous sommes beaucoup plus tolérants en période de grand froid, a-t-il insisté. Par exemple, on n'expulsera jamais un sans-abri du métro à moins qu'il ne cause un problème. On tente également de les encourager à se rendre dans les centres d'hébergement.»

Selon Jacques De la Sablonnière, météorologue chez Environnement Canada, le mois de janvier a été l'un des plus doux depuis 1941. Cela pourrait en partie expliquer qu'aucune personne sans-abri n'ait encore perdu la vie cet hiver à Montréal.

«C'est sûr que c'est moins rough cette année», a affirmé Charles, 45 ans, qui vit dans la rue depuis 10 ans. «Mais je me souviens d'avoir vu des gars fracasser des vitrines, lorsqu'il faisait -30 et que les maisons d'hébergement étaient pleines, pour être amenés en dedans pour se réchauffer. Chaque hiver, il y a une tonne de personnes qui meurent de froid dans la rue. Il y a beaucoup plus de cas que ceux recensés dans les médias.»

D'après Matthew Pearce, environ 4000 personnes utilisent les ressources d'aide pour les sans-abri chaque année à Montréal.