Les Québécois pourront bientôt s'adonner à des jeux de hasard en toute légalité dans le confort de leur foyer. Dès septembre, Loto-Québec exploitera un site web où les internautes pourront jouer au poker et faire des paris sportifs 24 heures sur 24. Le gouvernement veut ainsi mettre la main sur des dizaines de millions de dollars qui lui échappent depuis quelques années au profit des portails de jeu illégaux.

«Ne nous mettons pas la tête dans le sable, ça existe, les jeux en ligne. On est dans une société internet et ça va exister de plus en plus, a expliqué mercredi après-midi le ministre des Finances, Raymond Bachand. C'est une industrie de 25 milliards de dollars dans le monde. Les Québécois ont déjà accès à 2000 sites.»

Loto-Québec évalue les revenus annuels du jeu en ligne provenant du Québec à 80 millions de dollars. Le gouvernement espère en récupérer près de 50. «Notre objectif, c'est de déplacer cette offre-là vers un site qui est sûr, qui protège le joueur et qui encadre la consommation de façon responsable, a indiqué le PDG de Loto-Québec, Alain Cousineau. Ce qu'on propose aujourd'hui, c'est de cannibaliser l'offre illégale.»

L'annonce de Loto-Québec n'a pas tardé à faire réagir les intervenants qui s'intéressent au problème du jeu pathologique. Le directeur de la Santé publique de Montréal, le Dr Richard Lessard, s'est même dit «préoccupé» de l'incidence de la décision sur le développement de comportements dangereux, particulièrement chez les jeunes.

«Le jeu en ligne est l'un des plus dangereux sur le plan pathologique, a-t-il expliqué. Nous aurions vivement souhaité un débat sur la place publique pour discuter de ses impacts négatifs. En augmentant l'offre de jeu, il est clair que ça va augmenter le nombre de joueurs pathologiques. Je suis convaincu que le site sera très attirant. Le fait qu'il soit cautionné par la société qui attire des grosses cotes d'écoute avec des émissions comme Le banquier ou La poule aux oeufs d'or va attirer de nouveaux joueurs qui ne se seraient pas intéressés à ce genre de site.»

Pour faire taire ses détracteurs, le ministre Bachand a assuré que des mesures rigoureuses seront mises sur pied afin de contrôler l'identité et l'âge du joueur avant l'ouverture d'un compte. Il y aura également une limite de dépôt hebdomadaire ainsi qu'un tableau de bord qui permettra à l'internaute de voir le temps joué et la somme dépensée. Les internautes pourront s'exclure eux-mêmes en tout temps. Des mécanismes de détection du comportement du joueur seront intégrés au site pour dépister les joueurs compulsifs.

Le ministre des Finances a également assuré qu'un comité chapeauté par son ministère et celui de la Santé analysera les impacts sociaux découlant de cette décision, afin d'évaluer si des correctifs devront être apportés après la mise en ligne de la plateforme.

«Le ministre Bachand reconnaît qu'il y a des coûts sociaux importants, mais son appétit à siphonner notre portefeuille semble plus fort», a reproché mercredi la porte-parole du Parti québécois en matière de services sociaux, Danielle Doyer.

Elle a d'ailleurs critiqué l'absence de la ministre déléguée aux Services sociaux, Lise Thériault, de la conférence de presse annonçant la mise en ligne du site, mercredi après-midi. «Le signal est assez clair : les conséquences du jeu pathologique et les préoccupations sociales qui en découlent sont reléguées au second plan. Ce qui compte, c'est l'opportunité d'affaires. Jean Charest, qui poussait les hauts cris à l'époque, se disant préoccupé des impacts du jeu pathologique, cachait bien son jeu.»

Selon Raymond Bachand, les lois actuelles permettent au gouvernement du Québec et à Loto-Québec d'offrir le jeu en ligne. En effet, le Code criminel prévoit que le jeu est illégal sauf s'il est géré par un gouvernement provincial ou par l'État. «Il y a beaucoup de confusion au sein de la population. Plusieurs personnes sont convaincues, de bonne foi, qu'ils agissent en toute légalité lorsqu'ils misent sur ces sites, a expliqué Jean-Pierre Roy, directeur des communications chez Loto-Québec. Or c'est faux. Nous voulons offrir une option légale et sécuritaire.»

Selon Loto-Québec, 5% des Canadiens jouent régulièrement en ligne. En novembre 2009, 2,5% des Québécois de 18 ans et plus ont joué au poker en misant de l'argent sur le web.

- Avec La Presse Canadienne