Dans un geste qui a semé la consternation, la direction du centre Droits et Démocratie vient de mettre à la porte trois cadres supérieurs qui avaient été suspendus en janvier.

Les administrateurs de l'organisme s'apprêtent aussi à alléger les règles sur les appels d'offres, au moment même où des employés leur reprochent d'avoir attribué plusieurs contrats sans respecter les procédures en vigueur.

Voilà les derniers rebondissements dans un bras de fer qui perdure depuis la mort subite de l'ex-président de Droits et Démocratie, Rémy Beauregard, survenue au début de janvier.

Dans les jours suivant ce décès, 46 des 47 employés de Droits et Démocratie avaient réclamé la démission de trois membres du conseil d'administration, dont Jacques Gauthier, qui occupe maintenant le poste de président intérimaire.

Ce dernier avait réagi en suspendant la directrice administrative, Marie-France Cloutier, le directeur des politiques et des programmes, Razmik Pannosian, et le directeur des communications, Charles Vallerand.

Mardi, ces trois employés ont reçu leur avis de congédiement pour cause d'insubordination. Ils ont l'intention

de le contester devant les tribunaux, a confirmé leur avocat, Julius Grey.

La nouvelle fait craindre pour l'avenir de ce centre créé il y a 20 ans pour promouvoir la défense des droits et la démocratie. «Ça ressemble à une vendetta personnelle qui risque de s'étendre au reste du personnel», s'indigne Payam Akhavam, ancien membre du conseil d'administration qui a claqué la porte en janvier.

«Ces trois employés étaient les piliers de l'organisme, on assiste au démantèlement de Droits et Démocratie», déplore Francine Lalonde, critique du Bloc québécois en matière d'affaires internationales. «Au lieu de travailler à la réconciliation, le conseil d'administration opte pour la confrontation», renchérit son homologue libéral, Bob Rae.

Parallèlement, La Presse a obtenu l'ordre du jour de la réunion au cours de laquelle le conseil d'administration de Droits et Démocratie compte adopter, fin mars, une résolution excluant certains types de contrats des procédures d'appel d'offres.

Actuellement, l'organisme a l'obligation de demander trois soumissions pour tout contrat dépassant 10 000 $. En vertu de la nouvelle résolution, le président pourra court-circuiter cette procédure pour embaucher «des mandataires, conseillers techniques ou autres».

Ce projet survient alors que des employés du centre reprochent à la direction d'avoir accordé plusieurs contrats sans respecter les règles actuelles. Ils recensent la liste de ces contrats dans une lettre acheminée à la firme comptable que M. Gauthier a chargée d'enquêter sur la gestion du centre.

Joint par téléphone, le président du C.A. de Droits et Démocratie, Aurel Braun, a refusé de commenter les changements proposés.

Enfin, la nomination de Gérard Latulippe à la présidence de Droits et Démocratie continue d'alimenter la critique. Les partis de l'opposition qui avaient jusqu'à lundi pour exprimer leur opposition ont tous protesté contre ce choix.

Dans le mémoire qu'il a présenté à la commission Bouchard-Taylor, M. Latulippe a tracé un lien entre l'afflux d'immigrants musulmans et la menace terroriste, a révélé La Presse Canadienne lundi.

«Ces commentaires sont troublants. Ils viennent s'ajouter aux autres préoccupations concernant cette nomination», a dénoncé le chef néo-démocrate Jack Layton. Le chef libéral, Michael Ignatieff, a réitéré que le passé partisan de M. Latulippe le rend inapte à diriger un organisme qui se veut neutre. Selon lui, «ce qui se passe au sein de Droits et Démocratie, c'est un désastre».

- Avec Joël-Denis Bellavance et Malorie Beauchemin