Au plus fort de la crise qui a secoué l'organisme Droits et Démocratie dans les derniers mois, le gouvernement Harper était prêt à mettre la clé sous la porte.

C'est du moins la menace qu'aurait brandie le 3 mars l'un des membres du conseil d'administration de l'organisme, Jacques Gauthier, au cours d'une rencontre avec les représentants du syndicat des employés, selon Maxime Longangué, président du syndicat.M. Longangué, la vice-présidente du syndicat, Micheline Lévesque, et trois employés récemment congédiés - Razmik Panossian, Marie-France Cloutier et Charles Vallerand - ont témoigné mardi devant un comité parlementaire afin d'expliquer les causes de la crise qui frappe l'organisme et qui a même entraîné la mort de son président, Rémy Beauregard, en janvier.

M. Gauthier, président par intérim de Droits et Démocratie à la suite de la mort de M. Beauregard, aurait alors invité ses interlocuteurs à cesser les «attaques» contre le gouvernement, fortement critiqué par les partis de l'opposition pour sa gestion de la crise.

M. Gauthier aurait aussi affirmé que Droits et Démocratie ne jouissait de l'appui que d'un seul ministre au cabinet, soit le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon.

«Au cours d'une rencontre de trois heures, M. Gauthier m'a dit, devant témoins, que cette mobilisation autour de Droits et Démocratie et les attaques qu'il percevait contre le gouvernement dans les médias devaient cesser parce que cela pourrait avoir de graves conséquences sur l'institution et les employés», a affirmé M. Longangué.

«Il a également dit que le ministre Cannon était au cabinet le seul appui de l'institution et que le gouvernement n'attendait que quelques incidents ou anicroches de plus pour fermer l'institution», a-t-il ajouté.

Durant leur témoignage de près de deux heures, ils ont raconté en détail les nombreux conflits entre certains membres du conseil d'administration, d'une part, et M. Beauregard et les employés, d'autre part.

À tour de rôle, ils ont affirmé que la survie même de Droits et Démocratie est menacée à cause notamment du comportement de deux membres du conseil d'administration, Jacques Gauthier et Aurel Braun. Ces derniers ont tenté, au grand dam des employés et de M. Beauregard, d'imposer à l'organisme censé être neutre un point de vue plus favorable à Israël.

Au moins 46 des 48 employés ont signé une lettre réclamant le départ de MM. Gauthier et Braun, tous deux nommés par le gouvernement Harper, en raison de leur immixtion dans le fonctionnement quotidien de Droits et Démocratie. M. Gauthier se serait plaint notamment du fait que Droits et Démocratie ne compte aucun employé juif.

«Jamais on n'aurait pensé un jour occuper ces sièges pour défendre notre institution», a affirmé la vice-présidente du syndicat, Micheline Lévesque. «Depuis quelques mois, surtout depuis la mort de M. Beauregard, le climat de travail s'est détérioré. On a peur de subir des représailles. (...) Nous faisons l'objet d'enquêtes que nous jugeons abusives. Nous avons reçu l'interdiction formelle d'intervenir publiquement sur la situation que nous vivons.»

«Cette crise est en train de devenir un scandale», a pour sa part affirmé Charles Vallerand, qui a rappelé les dépenses qu'a engagées le conseil d'administration depuis quelques mois pour embaucher des firmes d'avocats, de relations publiques et de comptables afin de défendre ses positions dans la crise.

«C'est tout simplement ahurissant, ce qui s'est passé à Droits et Démocratie», a affirmé le député libéral Bob Rae après avoir entendu les témoignages.