Malgré les pressions du président Joseph Kabila, la République démocratique du Congo n'est pas prête pour un retrait, même partiel, des troupes des Nations unies.

Telle est l'opinion du lieutenant-colonel Robert Cormier, officier de haut rang du petit contingent canadien de la mission que l'ONU a déployée dans ce pays, la MONUC. Pour amorcer un retrait, «l'armée congolaise devrait être pleinement opérationnelle, et la police également», estime le militaire. Ce qui, selon lui, n'est absolument pas le cas. Entre 1997 et 2003, la République démocratique du Congo a connu deux guerres meurtrières, qui ont fait quatre millions de morts. En principe, la paix est revenue. Mais pas moins d'une cinquantaine de groupes armés se disputent toujours le contrôle de pans entiers de ce pays. Présente depuis une décennie, la MONUC compte aujourd'hui 20 000 hommes. Son dernier mandat arrive à échéance à la fin du mois de mai.

Le président Kabila insiste pour que les troupes internationales amorcent leur retrait dès le mois de juin. S'il a lieu, ce départ aura un poids symbolique important: il coïncidera avec le 50e anniversaire de l'indépendance du pays. Joseph Kabila réclame que la MONUC plie complètement bagage avant les prochaines élections congolaises, prévues à la fin de 2011. Le Conseil de sécurité étudie actuellement la demande du chef d'État congolais. Et envisage d'entreprendre le retrait progressif de 2000 Casques bleus.

Des représentants du Conseil devaient d'ailleurs discuter de la suite des choses à Kinshasa, ce week-end. Manque de chance: la réunion a dû être annulée, en raison du chaos dans le trafic aérien causé par l'éruption volcanique en Islande. Le pays toujours instable Même si seuls deux milliers de Casques bleus devaient quitter la RDC, certaines provinces de cet immense pays se retrouveraient «à découvert», craint Robert Cormier. Les ONG humanitaires présentes en République démocratique du Congo ont très peur de perdre la protection de la MONUC. Mais même les opérations civiles de l'ONU pourraient être menacées, croit le militaire canadien. Rencontré à l'hôtel de Kinshasa où la gouverneure générale, Michaëlle Jean, est arrivée hier, Robert Cormier a brossé un bilan de la situation qui prévaut dans les provinces les plus fragiles du pays.

Dans certaines régions, la situation s'améliore. Mais le nord-est du pays vit sous le régime de la terreur des milices ougandaises de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA). Un nouveau groupe armé a récemment pris brièvement le contrôle de l'aéroport de Mbandaka, dans le Nord-Ouest. Et les hommes armés du Front de libération du Rwanda, qui regroupe d'anciennes milices hutu, sévissent toujours dans le Nord et le Sud-Kivu. Les forces armées congolaises ne sont pas non plus au-dessus de tout soupçon.

Chargé d'assurer la liaison avec l'armée nationale, Robert Cormier a d'ailleurs la délicate responsabilité d'analyser les dossiers des militaires avec lesquels la MONUC réalise des opérations conjointes -afin de ne pas s'associer à des criminels. Bref, le terrain congolais est encore ultra-fragile, et l'État n'est pas prêt de prendre la relève de la MONUC. Mais pourquoi donc le président Kabila veut-il mettre les Casques bleus à la porte? En partie par fierté patriotique, croient des analystes. Mais aussi pour des raisons intérieures, pour pouvoir marquer des points face à l'aile radicale de la coalition qui soutient le président.

Tout en se penchant sur un scénario de retrait, les Nations unies attendent toujours la réponse du Canada à leur offre de prendre le commandement de la MONUC. Le cas échéant, c'est le général Andrew Leslie qui est pressenti pour le poste.