À quelques semaines du dépôt par le gouvernement Charest du deuxième plan de lutte contre la pauvreté, les efforts faits en ce sens par le Québec ont été salués hier au Sommet du millénaire, qui s'est ouvert à Montréal.

Le Québec fait-il si bien qu'il n'est plus nécessaire de parler de pauvreté? Ou faut-il nécessairement de grands noms - comme Al Gore, demain - pour attirer l'attention? En tout cas, la première journée du Sommet du millénaire a été très peu courue, hier.

 

Daniel Germain, qui se dit convaincu d'une plus grande affluence au cours des prochains jours, est loin de croire à un essoufflement de la formule. «Nous voulons organiser de tels sommets au moins jusqu'en 2015», a dit celui qui est surtout connu pour avoir mis sur pied le Club des petits déjeuners.

Pourquoi 2015? Parce que c'est la date charnière fixée par l'ONU pour enrayer l'extrême pauvreté dans le monde.

Les politiciens et organisateurs communautaires du reste du Canada invités par Daniel Germain n'avaient, en tout cas, que de bons mots pour le Québec. Congé parental, réseau de garderies à 7$... «Nous serions prêts à tuer pour avoir ce que vous avez ici! Vous êtes nettement en avance sur le reste du pays», a dit Seth Klein, directeur du Centre canadien pour les politiques alternatives de la Colombie-Britannique.

Le politologue Alain Noël, qui dirige le Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion sociale né de la loi de 2002 contre la pauvreté, ne lui donne pas tort. Si le Canada réussit moins bien à combattre la pauvreté depuis le milieu des années 90, plusieurs indicateurs pointent vers une amélioration certaine au Québec: ici, les inégalités sont notamment moins prononcées et les familles avec enfants s'en tirent mieux qu'ailleurs au pays.

M. Noël y est cependant allé de quelques bémols. D'abord, inévitablement, les statistiques les plus complètes datent déjà d'il y a deux ou trois ans. La récession et l'augmentation des tarifs feront-elles pâlir l'étoile du Québec? Pas impossible.

De plus, si le Québec a réussi à aider les familles avec enfants, d'autres groupes de personnes sont tout aussi vulnérables qu'avant. Ce sont surtout les peuples autochtones, de même que les personnes qui vivent seules.

«Le plus difficile, c'est de convaincre les gens que la pauvreté n'est pas un phénomène «normal», inéluctable, mais qu'on peut l'enrayer», a pour sa part déclaré M. Klein, de la Colombie-Britannique.

Les choses qui fonctionnent? Sam Hamad, ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, a insisté sur l'importance de mettre les gens au travail. Aisling Gogan, spécialiste de la lutte contre la pauvreté à Terre-Neuve, est aussi de cet avis. Bien sûr, une économie plus florissante a beaucoup aidé, mais Mme Gogan a relevé combien il a été efficace, dans sa province, de ne pas réserver certains programmes sociaux aux seuls sans-emploi. Quand les gens n'ont plus eu peur de perdre le remboursement de frais dentaires pour leurs enfants ou le remboursement de médicaments, ils ont été nombreux à réintégrer le marché du travail.

Avancées égales

Mais à l'échelle du monde, est-ce réaliste d'envisager l'éradication de la pauvreté extrême? Dans son rapport annuel sur les indicateurs de développement international publié hier, la Banque mondiale note qu'il y a matière à réjouissance dans plusieurs domaines.

Dans près de 70% des pays en voie de développement, 100% des enfants sont sur les bancs d'école. «Mais cela signifie que 72 millions d'enfants d'âge scolaire ne sont pas inscrits, la plupart en Asie du Sud et en Afrique sub-saharienne», peut-on lire.

La Banque mondiale note aussi d'importants progrès dans l'accès à l'eau potable, dans l'avancement de l'égalité des sexes et dans la diminution de la mortalité infantile et maternelle. À titre d'exemple, alors qu'au début du millénaire, 10 millions d'enfants de moins de 5 ans mouraient tous les ans, ils sont aujourd'hui 8,8 millions. De récentes études suggèrent pour leur part que le taux de mortalité des mères pendant un accouchement a diminué de 35%.

Cependant, dans tous ces domaines comme dans d'autres, le rapport fait état de grandes iniquités régionales. Si, en Asie, le développement économique constant a été accompagné d'une importante diminution de la pauvreté, notamment en Chine et en Inde, l'Afrique sub-saharienne, elle, progresse à pas de tortue.