Le cardinal Marc Ouellet a donné une conférence de presse mercredi pour relancer le débat sur l'avortement à la suite de la déclaration qu'il a faite il y a deux semaines, dans laquelle il avait dit que rien, pas même le viol, ne pouvait justifier le recours à l'avortement.

Ces propos, qui avaient provoqué un tollé chez les groupes de femmes et les politiques ainsi qu'un malaise parmi les communautés religieuses, étaient motivés, a-t-il dit, «par le désir de rappeler la dignité de la femme en toutes circonstances et le respect qui est dû à toute vie humaine naissante».

Il assure ne jamais avoir condamné ou considéré comme criminelles les femmes qui se font avorter. Ses propos relevaient «tout simplement du bon sens», croit-il. Il assure avoir reçu plus d'appuis que de critiques par courriel.

Le cardinal se plaint du fait qu'on n'a retenu qu'une partie de son message. Il veut donc recentrer le débat sur l'avortement en général. «Le débat est ouvert et il ne faut pas en avoir peur, lance-t-il. Cent mille avortements par année au Canada, plus de 25 000 au Québec, c'est beaucoup trop.» Il qualifie l'avortement de «désordre moral grave».

Vide juridique

Mgr Ouellet prétend que le «vide juridique» sur l'avortement au Québec est un cas unique au monde. Il déplore que la voie politique et juridique soit bloquée, comme en témoignent selon lui la motion de l'Assemblée nationale à Québec et les récents propos du premier ministre Stephen Harper.

En attendant un déblocage politique, il propose la «voie de la compassion». Le cardinal aimerait que les gouvernements, les médecins et la société apportent plus de soutien aux «femmes en détresse». «Si seulement un médecin prenait 30 minutes pour expliquer à une jeune fille de 16 ans les conséquences psychologiques éprouvées à la suite de l'avortement, je crois que plusieurs prendraient la décision par elles-mêmes de garder leur enfant, a-t-il soutenu. Souvent, ce n'est pas la femme qui cherche l'avortement, c'est l'homme, la famille, la société. Je trouve que c'est scandaleux.»

Le cardinal Ouellet croit que, si les femmes étaient mieux informées et soutenues, on pourrait réduire de moitié le nombre d'avortements. Il avoue que cette estimation est basée sur une intuition plutôt que sur un sondage ou une étude scientifique. En concordance avec la position du Vatican, il ne considère pas les contraceptifs comme une solution acceptable.

Il se défend de juger les femmes qui se font avorter. «Dieu seul est juge», assure-t-il, même si le droit canon de l'Église prévoit l'excommunication des femmes qui recourent à l'avortement.

Pourquoi relancer le débat maintenant ? Le contexte politique est favorable, explique-t-il. «Il y a eu cette discussion politique sur les programmes d'aide dans le tiers monde. Ça a été l'occasion de poser des questions.»

«Un important caucus pro-vie de notre gouvernement fédéral travaille dans l'ombre, jour après jour, pour garder la vie humaine en tête des programmes gouvernementaux», a jouté son collègue d'Ottawa, Mgr Terrence Prendergast, qui était lui aussi à la conférence de presse mercredi.

Réactions

Le Conseil du statut de la femme n'a pas voulu commenter la conférence. Le Centre Justice et Foi, qui avait critiqué le cardinal, n'a pas rappelé La Presse, pas plus que l'Assemblée des évêques catholiques du Québec.

La Fédération des femmes du Québec (FFQ), quant à elle, a de nouveau dénoncé les propos du cardinal Ouellet : «Il a admis vouloir rouvrir le débat politique. Ça m'inquiète», a lancé sa présidente, Alexa Conradi. Elle milite pour le retour des cours d'éducation à la sexualité et pour l'usage des contraceptifs, «mais l'Église s'y oppose», soupire-t-elle. «Le cardinal dit vouloir aider les femmes à faire un choix éclairé, mais il a sa propre idée de ce qu'est ce choix. Je suis suspicieuse quant au type d'aide qu'il veut offrir aux femmes», a-t-elle précisé.