C'est au tour de l'Institut national de santé publique du Québec de se porter à la défense du registre des armes à feu: selon une étude qui vient d'être réalisée, il y aurait 300 décès de moins par année depuis l'introduction de la loi qui l'a instauré, il y a une dizaine d'années.

Jugeant que c'est sous la lorgnette de la criminalité que le gouvernement conservateur évalue le registre des armes à feu, l'Institut a jugé qu'il fallait plutôt réorienter le débat sous l'angle de la santé publique.

C'est pourquoi le Docteur Pierre Maurice, expert en sécurité et prévention des traumatismes et Étienne Blais, criminologue, spécialiste en prévention des traumatismes par armes à feu, tous deux de l'Institut, ont voulu être entendus, mercredi, au comité permanent de la sécurité publique et nationale. Ce comité se penche actuellement sur un projet de loi conservateur qui cherche à abolir l'enregistrement des armes d'épaule.

Selon leur étude, depuis que la Loi sur les armes à feu est entrée en vigueur, en 1998, on a vu une diminution de 250 suicides et de 50 homicides par armes à feu en moyenne, chaque année, au Canada.

Selon les chercheurs, aucun effet de substitution n'a été observé, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu plus de suicides ou d'homicides perpétrés par d'autres moyens. «Il est plus difficile de se couper les veines que d'utiliser une arme à feu», selon Étienne Blais.

Les chercheurs ont évalué l'effet de la loi dans son ensemble et non pas seulement l'efficacité du registre.

«C'est comme si la société canadienne disposait d'un médicament permettant de sauver 300 vies par année. Deux ingrédients entrent dans sa composition: le permis et l'enregistrement. Il nous semble périlleux de changer la composition de ce médicament en l'amputant de l'un de ses ingrédients importants», a expliqué M. Maurice.

Rétorquant à l'argument des coûts exorbitants relatifs au maintien du registre, maintes fois soulevé par les conservateurs, M. Maurice a indiqué que plus de 400 millions de dollars ont été épargnés chaque année en lien avec la diminution des décès.

L'accessibilité aux armes à feu est un facteur de risque de suicide et d'homicide selon lui. Il a d'ailleurs précisé que ce sont des problèmes personnels, conjugaux ou des troubles mentaux qui sont à l'origine de ces décès par arme à feu, et non pas des crimes.

«Environ 75% des décès avec arme à feu sont des suicides», a relaté Étienne Blais.

«Avec le registre, les policiers peuvent identifier les personnes qui peuvent utiliser des armes à feu contre eux et contre ceux de leur maisonnée», a-t-il expliqué, ajoutant que le registre permet d'effectuer constamment des vérifications, même après l'obtention du permis de possession d'arme à feu.

Ces vérifications permettent en outre de savoir si la personne qui achète une arme a été condamnée pour des actes criminels depuis l'obtention du permis, ou encore si elle a vécu une séparation ou une perte d'emploi. C'est le registre -et non pas le système de permis- qui permet de savoir si une personne a acheté plus de 10 armes à feu en un mois, a-t-il maintenu.

Les députés d'opposition présents au comité -et en faveur du maintien intégral du registre- semblaient se réjouir de la présence de ces alliés qui leur ont apporté une preuve qu'ils ont qualifiée de «scientifique».

Car l'un des arguments principaux des conservateurs qui souhaitent l'abolition du registre demeure qu'il n'y aucune preuve que le registre a permis de sauver ne serait-ce qu'une seule vie.

La députée conservatrice qui a présenté le projet de loi privé visant à abolir l'enregistrement des fusils de chasse, Candice Hoeppner, n'a pas voulu commenter cette étude mercredi parce qu'elle n'était pas dans la salle lors de la présentation des chercheurs. Elle a promis de le faire ultérieurement.

Un débat entre policiers a aussi éclaté au comité permanent.

Pour contrecarrer les partis d'opposition qui ont l'appui de la majorité des chefs de police du pays et de nombreuses associations de policiers, les conservateurs veulent démontrer que le soutien au registre n'est pas si large que cela.

Un policier de la Saskatchewan témoignant à titre personnel, Murray Grismer, appuyé par la député conservatrice Shelly Glover, a affirmé que de nombreux policiers ont été muselés par leurs supérieurs, n'osant pas exprimer tout haut leur opposition au registre, par peur de représailles.

Le chef du service de police de Toronto, William Blair, aussi président de l'Association canadienne des chefs de police, a nié catégoriquement avoir imposé un bâillon à ses policiers.

Un député libéral a noté au passage que Murray Grismer a agi comme porte-parole pour des publicités de la NRA -la National Rifle Association- un regroupement américain qui effectue du lobbying en faveur des armes à feu.