Le plus haut tribunal de l'Ontario aura à décider si une présumée victime d'agression sexuelle devra retirer son niqab pour faire face à ses présumés agresseurs en cour.

En 2007, une femme aujourd'hui âgée de 32 ans et identifiée sous le nom de N.S. a affirmé à la police que son cousin et son oncle l'avaient violée à plusieurs reprises entre l'âge de six et 10 ans.

Durant l'enquête préliminaire, étape servant à déterminer s'il existe suffisamment d'éléments de preuve pour tenir un procès, le juge avait ordonné à N.S. de retirer son niqab pour témoigner.

Après avoir été entendue par la Cour supérieure, la cause s'est rendue en Cour d'appel, qui a commencé à entendre, mardi, les arguments des avocats de sept parties.

Un avocat de l'un des défendeurs a fait valoir que N.S. n'avait pas dit qu'elle avait refusé de témoigner à visage découvert, mais seulement qu'elle se sentirait plus à l'aise en portant son niqab. Me Michael Dineen a ajouté qu'à défaut de voir le visage du témoin, les preuves par comportement ne pourraient pas être obtenues et que cela gênerait la capacité du défendeur à contre-interroger.

Pour sa part, l'avocat de N.S., David Butt, a fait valoir qu'étant donné que les yeux de sa cliente pouvaient être vus, ce qui était perdu en termes de preuves par comportement du témoin représentait peu comparativement à forcer la victime présumée à ne pas respecter ses croyances religieuses.

La Commission ontarienne des droits de la personne a soutenu que la faillibilité était inhérente aux preuves par comportement du témoin. Prabhu Rajan a argué que l'expression du visage de personnes souffrant d'une infirmité, par exemple, pouvait être influencée par leur état de santé.

Le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes s'est dit d'avis que d'autres femmes portant le niqab pourraient devenir réticentes à faire appel au système de justice si jamais N.S. était obligée de témoigner à visage découvert.

L'Association canadienne des libertés civiles pense aussi que N.S. devrait pouvoir témoigner avec son niqab.

Le Muslim Canadian Congress veut, au contraire, que la femme témoigne sans son niqab, parce que ce type de voile symbolise, selon le groupe, l'oppression des femmes. À sa sortie du tribunal, le fondateur de l'organisation, Tarek Fatah, a fait valoir que N.S. avait déjà démontré sa volonté à montrer son visage à des policiers et des agents douaniers et que la femme détenait un permis de conduire.

La Couronne pense que la cour ne devrait pas décider de l'admissibilité du témoignage à visage couvert, mais qu'un critère juridique devrait plutôt être créé pour de tels cas.