«Il y a un an, la nation canadienne-française, par sa jeunesse, décida de sortir du trou. Un 22 juin, une idée triompha. Pas un parti: une idée nouvelle de grandeur.»

Dans le numéro de mai 1961 de la revue Liberté, Jacques Godbout souhaitait «Joyeux anniversaire» (c'était le titre de l'article) à ceux qui, comme lui, militaient pour la laïcité, «synonyme de démocratie, de respect, de qualité».

 

Deux ans plus tard, en commentant les craintes des évêques et de la droite québécoise face au projet de loi 60, qui devait mener à la création du ministère de l'Éducation, le futur auteur de Salut Galarneau! évoquera le caractère «inévitable» de cette laïcité «qu'impose peu à peu une civilisation industrielle à un peuple de culture médiévale».

Frais émoulu de l'Université «pontificale» de Montréal, Jacques Godbout avait décidé, en 1953, de sortir du «trou» qu'était le Québec duplessiste en partant pour Paris, d'où il avait gagné l'Éthiopie pour y enseigner le français à l'Université d'Addis-Abeba. Que trouve-t-il ici à son retour, cinq ans plus tard?

«D'abord, il règne une activité plus grande chez les jeunes écrivains», rappelle Jacques Godbout, aujourd'hui président du conseil des Éditions du Boréal.

«Nous étions peut-être une centaine d'écrivains - la plupart se disaient poètes - et il y avait régulièrement des réunions dans le Nord, où il était question, entre autres choses, de réclamer un ministère de l'Éducation.» M. Godbout cite le (futur) réalisateur de télévision Claude Fournier et Jacques Languirand, qui dirigeait à l'époque (1957-1958) sa propre compagnie de théâtre.

Beaucoup de «radio-canadiens», beaucoup de «retours d'Europe» aussi, comme on appelait ceux qui, comme MM. Godbout et Languirand, étaient allés «de l'autre bord» pour voir ce qu'il s'y passait et en étaient revenus avec pas mal d'idées nouvelles. Le modèle français prêtait, bien sûr, au bouillonnement d'idées: «C'était très différent d'avant mon départ», se rappelle Jacques Godbout, qui travaillait alors comme créateur publicitaire à l'agence McLaren.

«Nous faisions beaucoup de traduction. La publicité de langue française, au Québec, est née avec la création du Publicité Club (par Jacques Bouchard, en 1959) et a trouvé son langage propre grâce à des coopérants français venus faire ici l'équivalent de leur service militaire. Je pense entre autres à Jean-Jacques Stréliski et à Yves Gougoux», qui font aujourd'hui partie de la haute direction de Publicis Canada.

Les slogans politiques existaient déjà. Jacques Godbout se souvient d'un grand panneau de l'Union nationale qui disait: «Balayons la province des libéraux!» En 1962, dans une campagne centrée sur la nationalisation de l'électricité, les mêmes libéraux feront campagne sur le très nationaliste «Maîtres chez nous!». Entre-temps, le 22 juin 1960, les électeurs du Québec suivent Jean Lesage et son équipe, qui scandent «C'est le temps que ça change!»

«C'est un anniversaire important. Ce jour-là a marqué un passage, dira encore Jacques Godbout. Depuis la mort de Duplessis, on savait que l'hiver était fini...»