Le crime diminue au Canada. Les crimes sont moins nombreux et moins violents, selon la dernière Déclaration uniforme de la criminalité, dévoilée mardi par le Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ).



«C'est une tendance qu'on observe depuis 15 ans au Québec et au Canada», commente Marc Ouimet, du Centre international de criminologie comparée de l'Université de Montréal.

Les chiffres du CCSJ proviennent des crimes rapportés à la police. L'année dernière, on en dénombrait 2,2 millions. C'est 43 000 de moins qu'en 2008. L'écart s'explique essentiellement par la baisse de trois crimes contre des biens : vols de véhicules (17 000 de moins), méfaits (10 000 de moins) et entrées par effraction (5000 de moins).

«La récession ne s'est donc pas accompagnée d'une augmentation du crime, ce qui était à prévoir, soutient Marc Ouimet. On observe plus de crimes durant les périodes de croissance économique, quand les gens aspirent à plus, et quand l'inflation est forte.»

Tendance lourde

Au-delà des fluctuations économiques, les chiffres de la CCSJ dénotent une tendance lourde, indique son porte-parole Warren Silver. «Le crime a diminué dans la dernière année, et de façon générale, il diminue depuis 1991, alors que le taux de criminalité atteignait un sommet.»

Par exemple, le taux de criminalité (nombre de crimes par tranche de 100 000 habitants) a baissé de 17% entre 1999 et 2009. Et l'indice de gravité a diminué encore plus  - de 22% durant la même période.

Les crimes violents (contre la personne) diminuent aussi, mais beaucoup moins. De 1999 à 2009, la baisse était de 6%. Le taux d'homicide au Canada est toutefois stable depuis 10 ans. Quant aux voies de faits, elles ont sensiblement augmenté durant les deux dernières décennies, avant de commencer à reculer en 2008.

Le portrait est plus sombre dans les prairies et dans le Nord. Le Manitoba et la Saskatchewan affichent les pires résultats des provinces dans la plupart des statistiques. Mais c'est encore pire au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest. Les taux de criminalité et les indices de gravité des crimes y sont environ deux fois plus élevés.

«Pas besoin d'être un ingénieur nucléaire pour comprendre pourquoi, dit Irvin Waller, criminologue à l'Université d'Ottawa. Ce sont des populations plus vulnérables, élevées dans des conditions socio-économiques difficiles, avec beaucoup d'alcoolisme et de chômage. C'est particulièrement vrai chez les Autochtones, dont les cellules familiales sont éclatées, entre autres à cause des pensionnats.»

Pourquoi la baisse ?

Malgré tout, le crime recule dans l'ensemble. Pourquoi ? Marc Ouimet avance cinq hypothèses. D'abord, le vieillissement de la population. «Il y a moins de 15-35 ans, le groupe le plus susceptible de commettre un crime», avance le criminologue. Les perspectives d'emploi sont aussi meilleures. De plus, commettre un crime devient de plus en plus risqué, notamment à cause des téléphones cellulaires et des caméras de surveillance. Quatrièmement, à cause de l'internet, les jeunes passent plus de temps à l'intérieur. Et enfin, les valeurs de la société changent. «Par exemple, on tolère moins la violence conjugale, même s'il y en a encore malheureusement», souligne-t-il.

Même si le crime recule, ce n'est pas une raison pour ne pas continuer de s'y attaquer, ajoute son confrère M. Waller, auteur de Less Law, More Order : The Truth About Reducing Crimes.

Il critique l'approche du gouvernement fédéral. «Faire des amendements à la pièce au Code pénal, ce n'est pas la bonne solution. Il faut trouver le bon équilibre entre prévention et répression, il faut être plus scientifique et moins dogmatique.»

Un portrait incomplet

Les chiffres du CCSJ incluent seulement les crimes rapportés à la police. Or, seulement un crime sur trois est rapporté, selon la dernière Enquête sociale sur la victimisation. La prochaine version de cette enquête quinquennale sera déposée cet automne.

Au Québec, 60% des crimes ne sont pas signalés. C'est malgré tout le plus faible taux de non signalement au pays. L'Ontario affiche le pire taux, avec 70% de non signalement. «C'est énorme, lance Irvin Waller.  Il faut donc être prudent en interprétant ces données.»

Le taux de signalement varie selon les provinces, et aussi selon l'année. Il a augmenté de près de 5% entre 2000 et 2005. «En fait, il augmente à chaque nouvelle enquête, précise M. Waller. Il y a plusieurs raisons. Par exemple, les franchises des compagnies d'assurance ont augmenté.»

Selon le CCSJ, seulement une agression sexuelle sur 10 est signalée. «Il y a quand même une hausse du taux de déclaration depuis quelques années, affirme Marc Ouimet. On sait que lorsque les gens en parlent, dans le public et dans les médias, ça augmente le taux de déclaration. Nos études sur le terrain prouvent que plus les gens en parlent, plus les victimes portent plainte à la police.»