Trois jours après l'arrivée du MV Sun Sea au Canada, la Commission de l'immigration et du statut du réfugié (CISR) doit se pencher aujourd'hui sur le dossier d'une première passagère tamoule qui a demandé d'être mise en liberté. L'audience, initialement prévue hier, a été repoussée à aujourd'hui. Les 490 demandeurs d'asile ignorent encore s'ils devront rester en détention.

Le processus promet d'être long, craint Robert Blanshay, avocat de Toronto qui représente six familles tamoules du MV Sun Sea. «J'espère que la Commission va commencer avec les femmes et les enfants, dit-il. Les dossiers comme ça bougent très lentement.»

L'avocat a passé la journée d'hier auprès de certains enfants du navire, qui ont voyagé plus de 100 jours en mer. «Le gouvernement parle de terroristes, mais ce que les gens doivent comprendre, c'est que ce sont des réfugiés: des femmes, des enfants, on n'a pas d'informations du gouvernement qu'ils sont des terroristes ou des membres des Tigres.»

Me Blanshay ignore encore quelles seront les décisions que prendra la CISR dans les prochaines semaines. «Il va falloir attendre et voir. Je ne sais pas dans quelle direction le gouvernement va aller, mais je crains qu'il ne prenne une position très dure envers les demandeurs d'asile, malheureusement», dit-il.

Ce matin, la CISR étudiera également la demande des médias d'assister aux audiences. Habituellement, les rencontres se font à huis clos, pour protéger l'identité des réfugiés potentiels, mais les médias peuvent demander une dérogation si le cas est d'intérêt public.

«Nous ne pensons pas que ce soit juste qu'un cas établisse un précédent pour les autres. Certaines personnes ne voudront pas que leur histoire se retrouve dans les médias parce qu'ils ont de la famille au Sri Lanka», a dit à La Presse Katpana Nagendra, représentante du gouvernement transitionnel de l'Eelam tamoul et membre active de la communauté tamoule du Canada.

Dans les 48 dernières heures, les 490 migrants qui se trouvaient à bord du navire-cargo thaïlandais ont été transférés de la base militaire d'Esquimalt à deux centres de détention provinciaux de la Colombie-Britannique situés à Maple Ridge, à l'est de Vancouver.

Alors qu'environ 350 hommes sont détenus au centre correctionnel Fraser à Maple Ridge, environ 50 sont au centre de détention Alouette. Quelques-uns de la cinquantaine de mineurs qui étaient à bord du bateau sont hébergés avec leur mère. Au cours des prochaines semaines, chacun des demandeurs d'asile aura droit à une révision de sa détention.

Expérience partagée

Les passagers du MV Sun Sea ne sont pas les premiers demandeurs d'asile tamouls à être détenus dans une prison de Colombie-Britannique. L'an dernier, 76 autres Tamouls du Sri Lanka, eux aussi arrivés par bateau en Colombie-Britannique pour demander l'asile, ont subi le même sort. Certains sont restés derrière les barreaux pendant plus de six mois.

C'est le cas d'Arun (nom fictif) qui, joint par téléphone à Toronto, a raconté à La Presse les conditions dans lesquelles il a été détenu au centre correctionnel de Maple Ridge, l'endroit même où ont été transférés les quelque 350 passagers masculins du MV Sun Sea.

«Nous étions deux par cellule, parfois trois quand il y avait trop de monde au centre de détention. On nous laissait sortir pour les repas et en fin d'après-midi pour aller au gym ou pour prendre l'air», se rappelle Arun. Les demandeurs d'asile, ajoute-t-il, avaient leur propre aile de la prison et n'ont jamais été mêlés aux criminels abrités dans les autres ailes.

Chaque cellule, décrit-il, avait une télé que les détenus regardaient pendant une bonne partie de la journée. Des films en langue tamoule leur étaient aussi fournis sur demande. «Ce qui a été le plus difficile au début, c'est la nourriture. Nous n'étions pas habitués à ce qui nous était servi, c'était très différent de ce que nous mangeons au Sri Lanka, mais rapidement, les autorités de la prison ont adapté le menu.» Hindous pour la plupart, plusieurs Tamouls sont notamment végétariens.

«En détention, nous pouvions communiquer avec nos familles ou nos avocats. Pour moi, plus le temps avançait, moins je parlais à ma famille, qui avait des problèmes avec les autorités au Sri Lanka.»

Aujourd'hui, 11 mois après son arrivée et cinq mois après avoir été mis en liberté, Arun attend que la Commission de l'immigration se penche sur son dossier. Il dit ne pas regretter d'avoir fait le voyage à bord de l'Ocean Lady, et ce, même s'il dit avoir versé 35 000$ à ses passeurs.

Ces jours-ci, Arun pense à ses compatriotes tout juste débarqués du bateau et espère qu'ils auront droit au même traitement qu'il a reçu. «Je voudrais les aider, mais je n'en ai pas encore les moyens», conclut-il.