Cinq personnes ont perdu la vie et 30 autres ont subi des blessures graves à la suite d'un virage à droite au feu rouge effectué par un automobiliste, depuis que cette manoeuvre a été autorisée par le gouvernement du Québec, en avril 2003 - sauf dans l'île de Montréal.

Selon les données du ministère des Transports du Québec (MTQ) que La Presse a obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le virage à droite au feu rouge a fait un grand total de 657 victimes sur la route, en un peu plus de six années et demie d'application (voir tableau).

Dans un document fourni à La Presse, le MTQ a estimé que «le nombre total des accidents attribuables à la manoeuvre de virage à droite au feu rouge correspond à moins de 1% du total de tous les accidents (0,24%, en 2009), ce qui se compare aux statistiques des autres administrations où la manoeuvre est permise».

Lors d'un entretien avec La Presse hier, le chef de service de la Direction de la sécurité en transports, M. Carl Bélanger, a précisé que les cinq personnes décédées, depuis 2003, et une large majorité des 30 blessés graves étaient des piétons ou des cyclistes.

«Avant d'implanter cette mesure, a expliqué hier M. Bélanger, le ministère s'est évidemment renseigné auprès d'autres administrations routières pour savoir à quoi on pouvait s'attendre, en termes de bilan routier. On s'entend sur le fait que cinq décès, ce sera toujours trop. Mais si on s'en tient aux chiffres, le bilan actuel est conforme à ce qu'on s'attendait. Avantageusement conforme, même.»

Les données du MTQ tendent toutefois à démontrer que le bilan s'aggrave, avec les années. Si on ne tient compte que des six années complètes, le nombre total des accidents tend à augmenter progressivement d'une année à la suivante. Ainsi, alors qu'on a enregistré 84 et 91 accidents avec blessés en 2004 et 2005, le bilan des années suivantes fait maintenant grimper la moyenne à une centaine de victimes par année.

Cette progression, a fait remarquer M. Bélanger, serait surtout attribuable à l'élargissement de la mesure depuis 2003. Plusieurs municipalités, rappelle-t-il, étaient réticentes à autoriser le virage à droite aux feux rouges. Avec le temps, la mesure s'est de plus en plus étendue, et le nombre des accidents avec blessés a augmenté en conséquence.

Même si le MTQ n'estime pas ces bilans alarmants, M. Bélanger a reconnu qu'«on pourrait être mûrs pour une nouvelle campagne d'information et de sensibilisation. En matière de sécurité, les automobilistes ont parfois tendance à s'installer dans une routine, et à faire moins attention. Il faut toujours répéter. On n'a plus fait de campagne spécifique sur cette question depuis l'année d'entrée en vigueur, en 2003».

Le virage à droite au feu rouge est une pratique commune à presque toutes les administrations routières en Occident. Au Canada et aux États-Unis, les villes de Montréal et de New York, où la manoeuvre n'est pas autorisée, sont des rares cas d'exception. Le Québec a été la dernière province canadienne à autoriser ces virages en 2003. Et comme la mesure était populaire auprès d'une nette majorité des automobilistes, son entrée en vigueur n'a pas suscité beaucoup de remous.

Sauf à Montréal, où elle demeure rigoureusement interdite, et ce, partout dans l'île. À l'époque, ce refus de la métropole agaçait considérablement le MTQ. Plus maintenant, s'il faut en croire M. Bélanger.

«Montréal est un cas à part au Québec, dit-il. Nulle part ailleurs on ne trouve une aussi grande proportion de cyclistes et de piétons. Et cette tendance ne fait que s'accentuer depuis des années. Rétrospectivement, c'était probablement la décision qu'il fallait prendre.»

Avec la collaboration de William Leclerc