Même si le Canada a relancé ses activités militaires dans l'Arctique au début de la décennie, il demeure en retard par rapport aux autres pays du cercle polaire.

Rob Huebert, directeur associé du Centre d'études militaires et stratégiques de l'Université de Calgary et spécialiste des questions arctiques, note que les Norvégiens font déjà des exercices avec plus de 7000 troupes, contre un peu plus de 1000 pour l'opération Nanook, incluant les Américains et les Danois. Les Russes font des exercices encore plus importants, tandis que les États-Unis sont le seul pays à n'avoir jamais cessé de faire des exercices nordiques en Alaska.

Le Canada a délaissé l'Arctique en même temps que se terminait la guerre froide, avant de reprendre les exercices au milieu des années 2000. «Quand nous avons cessé les exercices, nous avons perdu notre habileté à agir dans cet environnement extrêmement difficile, explique M. Huebert, qui assiste à l'opération Nanook à Resolute Bay. Nous avons dû réapprendre quoi faire. Dans l'opération Nanook, on montre une certaine capacité d'intervention. Mais nous devons reconnaître que nous sommes ici en août, le meilleur mois. Il faudra développer des capacités pour savoir ce qui se passe et agir durant toute l'année.»

»La chasse gardée du Canada»

L'accessibilité de plus en plus grande de l'Arctique en raison des changements climatiques pousse le Canada à intensifier sa présence la région. Pour l'instant, cette accessibilité se manifeste notamment par le nombre grandissant de bateaux de croisière. Comme le Captain Khlebnikov, brise-glace russe de 130 mètres converti en bateau de croisière arctique, qui s'est montré dans la baie de Resolute au début de la semaine.

Mais elle pourrait aussi, à long terme, prendre la forme d'un trafic maritime commercial dans le passage du Nord-Ouest (les spécialistes ne s'entendent pas sur l'ampleur d'un tel trafic), ou d'une exploitation substantielle des ressources naturelles. Avec les risques environnementaux que cela comporte.

«Le gouvernement doit être capable de surveiller son territoire, d'y faire appliquer ses lois et d'intervenir s'il se passe quelque chose, souligne Stéphane Roussel, professeur à l'UQAM et titulaire de la chaire de recherche du Canada en politique étrangère canadienne. L'opération Nanook permet de développer une expertise pour répondre aux problèmes qui pourraient se poser dans le futur. Et dans le Grand Nord, ça ne se fait pas en quelques mois ou en quelques années. Ça doit être préparé de longue date.»

Nanook sert aussi les intérêts du gouvernement en matière de politique intérieure, estime M. Roussel, qui a aussi fait le voyage pour assister à Nanook. «La population canadienne aime l'Arctique. Les gens considèrent l'archipel arctique comme étant la chasse gardée du Canada et la région a une dimension identitaire très forte, même si 99% des Canadiens n'y mettront jamais les pieds. Pour un gouvernement, jouer la carte de l'Arctique, c'est payant.»