Les groupes du crime organisé au Canada sont devenus des cracks de l'informatique, capables d'infiltrer les ordinateurs avec des «maliciels» pour voler d'énormes quantités de données personnelles et commerciales, déplore un rapport publié hier.

Le rapport 2010 du Service canadien de renseignement criminel (SCRC) souligne le niveau élevé de sophistication atteint par certaines composantes du milieu interlope.

«La technologie a évolué rapidement au cours des dernières décennies et offre au crime organisé de nouveaux moyens de commettre des crimes courants, tels que le vol et la fraude, et de se livrer à de nouvelles activités», indique le SCRC, un organisme réunissant de nombreux corps de police du pays.

«Le crime organisé utilise le courriel, le GPS (système de positionnement global), le téléphone cellulaire et la messagerie instantanée pour accéder à d'énormes quantités de données électroniques et pour transférer des fonds rapidement et impunément... Des groupes de cybercriminels conçoivent et vendent des logiciels criminels, des maliciels conçus pour voler des renseignements personnels et financiers confidentiels.»

Tout comme «courriel» ou «pourriel», le «maliciel» est un néologisme, issu de la contraction des mots «malveillant» et «logiciel». Son objet premier est de fournir l'accès à un ordinateur cible à des tiers. Le maliciel peut servir à voler des données personnelles, comme des numéros de cartes bancaires ou des mots de passe, qui sont ensuite monnayées sur le web.

«Les données commerciales et gouvernementales volées peuvent être vendues directement à des organisations criminelles ou à des individus qui agissent en tant que courtiers de données et qui colligent l'information de diverses sources pour la vendre ensuite sur le marché noir», ajoute le rapport.

Crédits de carbone

L'imagination et la sophistication caractérisent le nouveau visage du crime organisé. Le SCRC craint que certains groupes du crime organisé ne sautent à pieds joints dans le nouveau marché des crédits de carbone. Le programme des Nations Unies pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre «présentera de nouvelles opportunités de fraude pour les groupes criminels», souligne le rapport.

«Grâce à ce programme, les pays en développement auront accès à des milliards de dollars pour préserver et rétablir leurs forêts en leur permettant d'amasser des crédits de carbone et de les vendre à des pays développés pour qu'ils puissent respecter leurs cibles de réduction de gaz à effet de serre. En recourant à des combines frauduleuses, les criminels pourraient réclamer des crédits de carbone pour des forêts fictives.»

Le marché du carbone de l'Union européenne vaut environ 140 milliards de dollars canadiens. Europol (l'équivalent d'Interpol pour l'Europe) rapporte que d'octobre 2008 à décembre 2009, des groupes du crime organisé ont fraudé ce programme d'environ 7 milliards de dollars. La Western Climate Initiative (WCI), un projet semblable au programme européen, doit être mise en oeuvre en Amérique du Nord en 2012.

Cartes bancaires

Le crime organisé canadien a aussi su tirer profit de la généralisation des cartes bancaires. «En 2009, les pertes cumulatives attribuables à la fraude par carte de paiement se chiffraient à 500,7 millions de dollars», indique le rapport.

Le SCRC fait diverses mises en garde. «La technologie sans fil, dont Bluetooth, permet l'extraction et la transmission illicites d'informations sur la carte de paiement, qui sont ensuite relayées à des usines de fabrication de cartes situées dans différents pays.»

Le rapport consacre tout un chapitre aux fraudes en valeurs mobilières. Plusieurs cas d'extorsion ont été mis en lumière cette année, souligne-t-il. «La fraude en valeurs mobilières nécessite des compétences spécialisées, et le crime organisé corrompt ou contraint des professionnels du monde financier qui échafaudent des stratagèmes, notamment des avocats, des courtiers, des agents de transfert, des gestionnaires de fonds, des comptables et des promoteurs.»

Le crime organisé ne délaisse pas pour autant ses activités traditionnelles, comme le trafic de drogue, la prostitution et les rackets en tout genre. Le Canada est ainsi devenu le principal producteur et exportateur d'ecstasy au monde. Les corps de police notent une augmentation du nombre de gangs de rue depuis 2006 mais, ajoute le rapport, la plupart d'entre eux ont une portée et une mobilité réduite. Ils «représentent le niveau inférieur de la menace liée au crime organisé en termes de sophistication».