La Société Makivik, qui assure le développement de la communauté inuite, menace d'utiliser les tribunaux pour forcer les gouvernements à régler le grave problème de pénurie de logements dans le Grand Nord du Québec.

À bout de patience, la Société Makivik menace de recourir aux tribunaux pour forcer le gouvernement fédéral à régler le grave problème de pénurie de logements au Nunavik, le Grand Nord du Québec.

«Nous avons négocié, nous avons eu des discussions, mais ça ne nous a menés nulle part», déplore le président de la Société Makivik, Pita Aatami, lors d'une entrevue avec La Presse dans son bureau de Kuujjuaq, au Nunavik. «Quelle avenue légale nous reste-t-il?»

La Société Makivik a été créée dans le cadre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois pour assurer le développement de la communauté inuit.

D'une voix posée, M. Aatami affirme que les gouvernements ne respectent qu'une partie de leurs obligations en matière de logement social en vertu de la convention.

«J'examine nos options légales. S'ils ne respectent pas leurs obligations, nous n'aurons pas le choix, il faudra aller devant les tribunaux. Nous espérons que ceux-ci les convaincront de prendre leurs responsabilités.»

En mars dernier, les gouvernements du Canada, du Québec et les Inuits du Nunavik ont renouvelé une entente de 190 millions de dollars sur le logement social, ce qui permettra la construction de 340 unités au cours des cinq prochaines années. Ottawa financera la construction des logements alors que Québec assumera le déficit d'exploitation et les coûts d'entretien au cours des 15 prochaines années.

«Ce n'est pas suffisant, tranche M. Aatami. Uniquement pour répondre aux besoins actuels, il faudrait près de 1000 unités de logement.»

Le Nunavik compte 14 communautés. La plus petite, Aupaluk, compte moins de 200 habitants. La plus grande, Kuujjuaq, dépasse à peine les 2000 habitants. Mais le taux de croissance de la population est très élevé.

«Il y a beaucoup d'enfants, observe le maire de Kuujjuaq, Paul Parsons. Les familles sont nombreuses et les jeunes commencent tôt à avoir des enfants.»

Parmi toutes les régions nordiques du Canada, c'est au Nunavik que le problème de la pénurie de logements est le plus aigu. Selon un recensement fait par Statistique Canada en 2006, 49% des ménages inuits du Nunavik vivent dans des logements surpeuplés, comparativement à 39% au Nunavut.

«C'est la seule région où la situation s'est détériorée entre 1996 et 2006», déplore Serge Déry, directeur de la Santé publique au Nunavik.

Selon une enquête de l'Office municipal d'habitation, la demande pour de nouveaux logements au Nunavik est passée de 533 unités en 2003 à plus de 900 en 2008, alors qu'il s'était bâti 239 unités pendant cette période.

On ne trouve pas de pancartes «à louer» au Nunavik. En raison des coûts de construction élevés et d'un rendement douteux, il n'y a pas de marché privé. La grande majorité des logements sont des logements sociaux.

«Nous gérons 80% des logements, indique Jean Boucher, directeur des services à la clientèle de l'Office municipal d'habitation Kativik. Si on n'a pas un logement fourni par son employeur, la seule façon de se loger, c'est à travers l'Office.»

Il est également difficile de construire sa propre maison: le coût des matériaux est prohibitif, la livraison, par bateau, ne peut se faire que trois mois par année.

«Et il y a des problèmes à long terme, ajoute M. Boucher. Si quelque chose fait défaut, il n'y a pas de plombiers ou d'électriciens dans les communautés.»

Pita Aatami affirme qu'au sud, personne n'accepterait la situation que vivent les résidants du Nunavik.

«Ici, il n'y a pas de routes à bloquer, déclare-t-il. Nous essayons de procéder pacifiquement, diplomatiquement, nous dialoguons avec les gouvernements, mais nous commençons à être à bout de patience.»