Pour répondre aux inquiétudes de la Commissaire à la protection de la vie privée et calmer la controverse, l'agence chargée de la sécurité dans les aéroports canadiens (ACSTA) a testé un nouveau scanner corporel qui ne produirait plus d'image de type photographique, donc réaliste, des passagers.

À ce jour, la trentaine d'appareils en service dans les aéroports internationaux et transfrontaliers du pays recréent une image complète et en trois dimensions du passager après qu'il a été «balayé» par des ondes électromagnétiques. L'idée est de déceler tout objet ou dispositif que ne pourraient repérer les portiques détecteurs de métaux, comme des armes en céramique ou des explosifs de type plastique.

Le dispositif testé à l'aéroport d'Ottawa au cours du mois de septembre utilise les mêmes scanners, sauf que l'image visible sur les moniteurs est celle d'un «bonhomme allumettes» asexué découpé en tronçons.

Un carré de couleur apparaît sur la zone où une «anomalie» est détectée. Autre changement notable, ce système ne nécessite plus d'être installé dans une pièce séparée et d'être supervisé par un agent.

Cette nouvelle technologie, un changement à 180° par rapport à la précédente, est plus acceptable aux yeux du Commissariat à la vie privée. «C'est une image plus schématique, donc plus respectueuse de la vie privée», a estimé Chantale Bernier, commissaire adjointe, lors d'une conférence donnée il y a quelques jours à La Malbaie au Colloque québécois de la sécurité de l'information (CQSI).

Violation de la vie privée

Elle a expliqué que, dès 2008, alors qu'un projet-pilote allait débuter à l'aéroport de Kelowna, le Commissariat avait fait de ce dossier «tellement chargé émotivement» un de ses principaux chevaux de bataille.

Dès lors, les deux organismes ont multiplié les rencontres. L'ACSTA a dû démontrer de façon «probante» que ses scanners étaient nécessaires et efficaces, qu'ils n'allaient chercher que l'information pertinente, etc.

La progression du dossier aurait accéléré le 6 octobre 2009. Ce jour-là, les dirigeants de l'ACSTA auraient révélé à la Commissaire à la vie privée qu'ils détenaient des renseignements «sur une menace réelle de dispositifs explosifs non métalliques portés par des passagers».

Trois mois plus tard, un Nigérian a tenté de faire exploser en vol un avion de la NorthWest Airlines en route vers Detroit. L'homme avait réussi à passer les contrôles de sécurité avec un engin explosif dissimulé sous ses vêtements.

Le 5 janvier 2010, le ministre fédéral des Transports, John Baird, a annoncé l'implantation à court terme de 44 de ces appareils controversés, au coût de 250 000$ chacun, dans les aéroports canadiens.

Dès le départ, le Commissariat à la protection de la vie privée a fait pression sur l'ACSTA pour que plusieurs changements soient apportés. En premier lieu, il était hors de question que le scanner soit employé systématiquement lors de la fouille primaire. Le passager devait pouvoir choisir une fouille par palpation. Aussi, l'agent ne devait pas être en mesure de reconnaître le passager et ne devait pas posséder d'appareil photo-vidéo ou de communication. Le scanner ne devait intégrer aucun dispositif permettant d'enregistrer les images, et celles-ci devaient être supprimées après le contrôle.

Le porte-parole de l'ACSTA, Mathieu Larocque, a expliqué à La Presse que son organisme était en train «d'analyser les résultats» du test réalisé à Ottawa. «Aucune décision n'a été prise, mais si ce nouveau logiciel atteint les objectifs de sûreté élevés tout en éliminant les craintes liées à la vie privée, on va le considérer attentivement.»

Un point de vue que partage Chantale Bernier: «Sécurité et vie privée ne sont pas contradictoires, a-t-elle dit dans son allocution. Ça n'a aucun sens d'être obligé de choisir entre les deux.»

Si on décide d'aller de l'avant, les scanners ne seront pas remplacés, puisqu'il s'agit d'un changement de logiciel, mais déplacés dans la zone du point de fouille