Un historien français qui a écrit que des soldats autochtones canadiens avaient scalpé des prisonniers pendant la Deuxième Guerre mondiale a suscité la grogne des vétérans autochtones et le mépris des universitaires canadiens.

Ces allégations, qui surgissent à quelques jours des célébrations du jour du Souvenir, ont été qualifiées de ce côté-ci de l'Atlantique de «racistes», d'«effroyables» et d'«ordurières».

Elles figurent dans le livre de l'historien Olivier Wieviorka consacré au débarquement en Normandie, dont une version anglaise en format de poche vient de paraître. Un livre qui, autrement, relate de façon assez conventionnelle les événements ayant mené à la vaste opération militaire alliée.

Histoire du débarquement en Normandie - Des origines à la libération de Paris 1941-1944 avait été publié en français au Seuil en 2007. La maison d'édition des Presses universitaires de Harvard en avait offert une version anglaise à couverture rigide en 2008 intitulée Normandy, avant de le publier récemment en format poche.

L'extrait controversé se trouve dans un chapitre qui relate les atrocités commises pendant la guerre. Après avoir brièvement souligné le sordide penchant de la 12e division Panzer des SS - qui avait l'habitude d'assassiner des prisonniers de guerre (dont plusieurs Canadiens) pendant les opérations en Normandie -, l'auteur s'attarde à relater certaines atrocités commises par les Alliés. C'est là qu'Olivier Wieviorka avance que «des soldats canadiens d'origine indienne» ont scalpé des prisonniers.

Les allégations de l'auteur ne sont soutenues par aucune source. Il n'y a pas non plus de note en bas de page. Les Presses universitaires de Harvard n'ont pas répondu au courriel demandant des explications.

Le président de l'Association nationale des anciens combattants autochtones, Alex Maurice, est furieux. «C'est du racisme à sa forme la plus vile. Je crois simplement que cette personne a visionné beaucoup trop de films mettant en vedette John Wayne», a lancé le Manitobain lorsqu'il a été informé de ces allégations.

L'oncle de M. Maurice faisait partie des Regina Rifles, un régiment qui a combattu sur les plages de Normandie lors du débarquement. «Mon oncle (...) et le reste des soldats des Regina Rifles n'ont pas insulté leurs frères d'armes en tuant des prisonniers de guerre allemands, encore moins en les scalpant.

«De nombreux soldats autochtones faisaient partie de ce régiment, a expliqué Alex Maurice. Trappeurs, chasseurs, pêcheurs, ouvriers ou jeunes hommes, ils se sont portés volontaires pour grossir les rangs de l'armée canadienne et servir avec honneur. Et ces commentaires racistes ne leur font pas honneur.»

Les historiens canadiens se sont moqués des propos de leur confrère français.

Scott Sheffield, qui enseigne l'histoire à l'Université de la vallée de Fraser à Abbotsford, en Colombie-Britannique, a passé 15 ans à étudier le rôle joué par les autochtones au sein de l'armée canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale.

«Je me suis entretenu avec plusieurs vétérans autochtones et non autochtones, j'ai parcouru des tonnes d'ouvrages sur la question en plus de fouiller dans à peu près tous les documents d'archives. Je n'ai jamais lu ou entendu quoi que ce soit à ce sujet.»

Un porte-parole de la Légion royale canadienne s'est esclaffé lorsque les allégations de l'historien français lui ont été rapportées. Il a affirmé ne jamais avoir entendu une telle chose.

Olivier Wieviorka a écrit plusieurs livres et articles sur la France sous l'Occupation et sur les Résistants.