Le resserrement draconien des mesures de sécurité dans les aéroports canadiens à la suite de l'attentat raté du 25 décembre 2009 a généré une avalanche de plaintes de passagers auprès de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien.

De février 2009 à mars 2010 inclusivement, l'ACSTA, organisme chargé de la sécurité dans les aéroports, a reçu 1200 plaintes pour divers motifs, selon des documents que La Presse a obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Un grand nombre ont été portées pendant la période entre Noël 2009 et la fin du mois de janvier 2010.

Le 25 décembre 2009, à bord d'un un vol Amsterdam-Detroit, un jeune Nigérian a tenté de faire exploser une bombe cachée dans ses sous-vêtements. Immédiatement, Transports Canada a imposé de nouvelles règles pour les voyageurs à destination des États-Unis. En particulier, les bagages de cabine, mis à part les «petits sacs à main», ont été interdits.

Dans des missives enflammées, les passagers expriment leur furie d'avoir été forcés de placer leurs bagages de cabine et autres sacs d'ordinateur en soute. Des mesures qualifiés de «stupides», «absurdes», «sévères», «intolérables» ou «risibles»!

L'un d'eux écrit que son «sang bout» d'être «obligé de supporter» ces «tentatives pathétiques» provenant de «toutous des Américains» et imposées à «des bandes de crétins» (le public).

Un autre se déchaîne: «Si vous voulez vivre dans un monde paranoïde où tout le monde est considéré comme une menace, je vous suggère de trouver une île déserte pour y passer le reste de vos jours.»

Mathieu Larocque, porte-parole de l'ACSTA, explique que, durant l'exercice financier se terminant au mois de mars 2009, son organisme n'a reçu que 1500 plaintes pour 48 millions de passagers. Mais il s'attend à ce que ces statistiques grimpent à cause de ces mesures imposées en catastrophe.

«À cause de l'urgence, nous n'avons pas eu le temps de faire la sensibilisation nécessaire et d'expliquer les mesures aux passagers. Les gens n'étaient pas avisés.»

Attitude des agents

L'attitude et le comportement de certains agents de l'ACSTA suscitent aussi des doléances. Des passagers se plaignent de leur «impolitesse grossière» ou d'être «malveillants, méchants, arrogants». On leur reproche de faire de l'excès de zèle, de refuser de se nommer, d'intimider ceux qui veulent se plaindre, de refuser de parler français à un unilingue francophone, etc.

Un officier de police à la retraite exprime, lui, sa rage de s'être fait «voler» son insectifuge alors qu'il rentrait d'une excursion de kayak. Il estime s'être fait traiter comme un «criminel».

Les fouilles au corps sont des sources importantes de conflit et d'allégations d'agression sexuelle. «Je ne me suis jamais senti aussi humilié de ma vie», écrit un plaignant.

Les différences dans l'application des règlements sur les objets permis ou non suscitent aussi des grincements de dents.

«Notre défi, commente Mathieu Larocque, est de rendre ces règles plus claires et concises, et qu'elles soient appliquées de façon uniforme.»

Des couteaux à steak à Trudeau

Si des passagers déplorent des dérapages, d'autres au contraire dénoncent des négligences ou l'inutilité du système.

Une hémophile qui transportait une quinzaine de boîtes de perfusion contenant de l'eau distillée et de la poudre a exprimé sa «colère» au sujet d'agents de Calgary «trop occupés à parler» pour vérifier sur leur écran le contenu de son bagage. «J'aurais pu faire beaucoup de dommages si j'avais eu l'esprit tordu», dit-elle. Un autre dit avoir pu passer des ciseaux.

Un homme remet en question l'utilité du processus de sécurité à l'aéroport Trudeau puisque, écrit-il, il est facile de voler le couteau à steak de 12 po proposé aux clients du restaurant Houston pour s'en servir comme arme dans l'avion. Ce restaurant est situé à proximité des portes d'embarquement, donc après les points de fouille.

Très peu de plaintes concernent les scanners corporels puisque ceux-ci ont été implantés progressivement à compter du mois de janvier 2010.

Toutes ces plaintes font l'objet d'une enquête, et les agents visés sont interrogés. Lorsqu'il s'agit d'allégations graves, les agents en cause risquent jusqu'à la perte de leur certification de sécurité obligatoire, donc de leur emploi.

Selon le cas, ces plaintes entraînent aussi des modifications à la formation des agents et aux façons de faire. «Cela fait partie de notre processus d'amélioration continue», dit Mathieu Larocque.

- Avec la collaboration de William Leclerc