Le voeu de pauvreté n'est pas universel chez les ministres du culte d'aujourd'hui. Au Québec, 75 d'entre eux gagnent 80 000$ et plus par année. C'est ce que révèlent des données du recensement de 2006 compilées pour La Presse par Statistique Canada.

À l'Église évangélique Nouvelle Vie de Longueuil, le pasteur le mieux payé gagne par exemple entre 80 000$ et 120 000$, selon la dernière déclaration annuelle de l'Église au ministère du Revenu. Avec ses 88 employés (dont 29 à temps plein) payés plus de 2 millions au total, cette communauté géante dessert 3500 membres.

Le salaire du pasteur est voté par le conseil d'administration, en son absence, tient à préciser l'un de ses adjoints, Jocelyn Olivier. «Cela ne représente pas un taux horaire très élevé pour des gens qui travaillent extrêmement fort», dit-il, en expliquant que les pasteurs évangéliques ne font pas voeu de pauvreté, mais de «sobriété». Autrement dit, ils peuvent amasser des biens, à condition que cela ne soit pas ostentatoire. «Il faut faire attention aux symboles. On ne peut pas pleurer pour Haïti si on a une voiture Jaguar à la porte d'un palace», expose-t-il.

En moyenne, les 2720 ministres du culte québécois empochent 29 300$. Selon leurs déclarations de revenus, seulement 300 d'entre eux gagnent plus de 50 000$. Les revenus générés par bon nombre d'Églises sont sans commune mesure avec ces salaires, plusieurs d'entre elles amassant quelques centaines de milliers de dollars par an.

Depuis quelque mois, plusieurs fidèles craignent que la tentation ne soit trop forte et que des pasteurs peu scrupuleux empochent en douce une partie des dons de leurs fidèles, très souvent faits en argent comptant.

Des poursuites judiciaires ont déjà fait les manchettes. «Ces pasteurs sont humains. Si c'est vrai, ils ont peut-être été victimes de la tentation. C'est facile quand on est en position d'autorité et qu'on voit passer tout l'argent de l'Église», commente Idorenyin Amana, pasteur d'une petite Église évangélique nigériane de LaSalle, Redemption Ministries Pentacostal Bible.

«Ce n'est pas bien, affirme-t-il. Cela dit, nous ne sommes pas comme l'Église catholique, qui prend soin de ses prêtres. Nous n'avons pas de salaire. Chez nous, les fidèles doivent en prendre soin.»

Lui-même affirme «donner sa paye à Dieu pour pouvoir marcher libre». Puisqu'il gagne plus de 100 000$ par année comme avocat en droit de l'immigration, le pasteur Amana n'est toutefois pas sans ressources. Selon le registre foncier, il habite Pincourt avec sa femme et leurs cinq enfants, dans une maison neuve payée un demi-million en 2007. Il possède aussi deux immeubles à revenus à LaSalle et Côte-des-Neiges, l'un payé 324 000$ en 2005, l'autre payé 350 000$ en 2004. Sans compter deux immeubles entièrement payés dans son pays d'origine.

«Les prêtres catholiques promettent de ne pas s'enrichir et de ne pas coucher avec des femmes. Tout ça, c'est de l'hypocrisie, on en a eu la preuve! lance-t-il. On peut très bien être riche et servir Dieu! La Bible ne dit nulle part qu'on doit mendier. Elle dit qu'il ne faut pas se vanter de sa richesse pour ne pas démoraliser les autres. Et moi, je ne suis pas flamboyant. Je conduis une vieille voiture. Je ne porte pas de vêtements griffés.»

Investir dans l'immobilier est banal pour un pasteur, assure-t-il, après nous avoir dit qu'à son Église, un de ses collègues détenteur d'un MBA travaille en finance et que l'autre, un vendeur, gagne plus de 100 000$ en travaillant six mois par année.

Avec la collaboration de Francis Vailles