Neuf danseurs du Ballet national algérien ont choisi, à l'issue d'une représentation à Montréal, de demander l'asile au Canada. Cette sortie de scène peu commune, passée quasiment inaperçue ici, a créé des remous en Algérie, où le phénomène de la harga (l'émigration illégale) des jeunes suscite des inquiétudes.

Il y a deux semaines, le Ballet national algérien a donné une représentation sur la scène du Théâtre Maisonneuve, à Montréal, dans le cadre du Festival du monde arabe (FMA). Les danseurs devaient reprendre deux jours plus tard la route vers l'Algérie. Neuf d'entre eux ont plutôt choisi de prendre la poudre d'escampette et de demander l'asile au Canada.

«La journée où ils devaient prendre l'avion, certains ne se sont pas présentés», confirme à La Presse une source proche des autorités consulaires algériennes. Les danseurs ne sont toutefois pas en situation irrégulière pour le moment puisqu'ils ont obtenu un visa de tourisme de six mois. L'un d'entre eux est depuis retourné en Algérie.

Le Ballet national algérien, institution publique qui a, selon son site internet, pour mission de faire connaître les formes de danse populaire algérienne, s'était déplacé au Canada pour deux représentations à Ottawa et à Montréal. L'ambassadeur d'Algérie au Canada a lui-même demandé au FMA d'ajouter une représentation du ballet dans son programme.

«Nous n'avions aucune volonté de programmer cette troupe, mais l'ambassadeur était très enthousiaste, dit le directeur général du FMA, Joseph Nakhlé. Nous lui avions dit que le délai était court, mais il a très bien réussi à remplir la salle. On était surpris: le public était à 90% algérien.»

Selon les médias algériens, les danseurs, sous-payés par cette institution étatique, rodée aux performances à l'étranger, ont choisi de tenter leur chance au Canada. Une version que récuse Sabrina Natouri, chef du département technique et artistique du Ballet national algérien. «N'importe quel jeune, et pas seulement algérien, rêve d'être au Canada. Pour se justifier, ils sont en train de dire n'importe quoi», regrette-t-elle.

Cette défection de groupe n'est pas sans rappeler la dangereuse fuite choisie chaque année par des jeunes Algériens qui, pour une vie meilleure, sont prêts à immigrer illégalement ou à prendre la mer pour l'Europe. La harga est un «véritable fléau», considère le quotidien El-Watan dans un éditorial récent consacré à l'affaire.

Le FMA pour sa part a déjà vu des danseurs de Syrie demander l'asile après une performance à Montréal, mais M. Nakhlé souligne qu'il s'agit d'un phénomène très marginal. «Les gens qu'on amène ici sont reconnus dans leur pays d'origine et vivent dans un confort qui ne les pousse pas à devenir réfugiés», croit-il.

Ce n'est toutefois pas la première fois que des danseurs de ballet profitent d'une tournée pour fuir leur pays d'origine. Le plus célèbre d'entre eux est sans doute Rudolf Noureev qui, en 1961, a fui l'aéroport de Paris, où il devait reprendre l'avion pour l'Union soviétique.

Enfin, du côté officiel, on affirme que cette défection massive ne menace pas la pérennité du Ballet. «Ce n'est pas la seule troupe de danse en Algérie, il y en a plein. S'ils décident de rester, libre à eux. S'ils retournent en Algérie, ils seront accueillis à bras ouverts comme si de rien n'était», promet-on.

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