Ian McKinnon ne voit pas comment on peut imaginer remplacer le système canadien par le scandinave. Surtout quand on sait que les critiques principales de l'ancien modèle canadien touchaient l'intrusion dans la vie privée.

«C'est un système beaucoup plus intrusif, affirme le président du Conseil national de la statistique du Canada au sujet du registre danois. Il y a beaucoup plus de pression de la part du gouvernement... Et ce système pose de réelles questions sur la protection de la vie privée.»

«Comment peut-on croire que ça marcherait au Canada?» lance sa collègue Céline Le Bourdais, professeure à McGill et elle aussi membre du Conseil national de la statistique. «Ici, même les ministères ne veulent pas partager leurs données entre eux. Imaginez, tout centraliser...»

Pourtant, le président du Conseil du Trésor, Stockwell Day, a lui-même évoqué le modèle danois au début du mois d'août dernier.

«Nous nous sommes aussi demandé, avec le haut niveau de sophistication et d'intégration informatique des données, de nos jours, s'il était vraiment nécessaire de passer à travers ce processus», a expliqué M. Day en conférence de presse, au sujet des interrogations de son gouvernement sur l'ancienne méthode de recensement. «Des pays comme la Norvège ou le Danemark se sont débarrassés de ces types de récoltes de données il y a des années», a-t-il ajouté.

Pour l'instant, aucun scénario provenant d'Ottawa ne laisse croire qu'il y ait un plan réel de centraliser les données sur la population. Par contre, les conservateurs ont mis en place un nouveau système de collecte de données pour 2011. Et selon M. McKinnon et Mme Le Bourdais, l'avenir de cette nouvelle formule est sombre.

L'été prochain, au lieu de distribuer un questionnaire court obligatoire à 80% des ménages et un questionnaire long obligatoire à 20% des ménages, tout le monde va recevoir un questionnaire court et un tiers des Canadiens recevront en plus, plus tard, un questionnaire long à remplir sur une base volontaire.

«On sait maintenant, avec les tests faits aux États-Unis, qu'il y aura des biais trop importants», explique M. McKinnon.

Même si le taux de réponse est élevé, les données ne donneront pas un réel portrait de la population, croit-il. «On sait que certaines populations répondent moins. Les jeunes hommes. Les immigrants. Les autochtones. Les plus démunis.»

Céline Le Bourdais se demande même si le formulaire court permettra d'obtenir l'information recherchée. «La crise de l'été dernier a ébranlé un consensus, explique-t-elle. On a peur, dit-elle, que les gens aient retenu du débat que le recensement, ce n'est plus obligatoire.»