Un enquêteur émérite recruté par Jacques Duchesneau pour son escouade sur la collusion entre les entreprises de construction a des contacts réguliers avec la famille de Tony Accurso, qui était jusqu'à tout récemment patron de Construction Louisbourg et de Simard-Beaudry.

John Galianos, retraité réputé de la Sûreté du Québec, où il a mis sur pied le service de polygraphie, est depuis 15 ans le conjoint de l'ex-femme de l'entrepreneur Accurso. À ce titre, il voit régulièrement les trois enfants de M. Accurso quand ils rendent visite à leur mère, Louise Caron. Jimmy, Lisa et Marco Accurso sont tous les trois ingénieurs et travaillent dans des entreprises liées à leur père. Jimmy est vu comme le bras droit de son père dans les chantiers.

Cette relation était connue depuis bien longtemps dans les milieux policiers à Montréal. Ce qui ne l'était pas, toutefois, c'est que dès sa nomination par la ministre Julie Boulet, au début de 2010, Jacques Duchesneau a recruté M. Galianos.

Le gouvernement Charest avait choisi Jacques Duchesneau pour monter une escouade d'enquêteurs chargés de tirer au clair les allégations de collusion entre les entrepreneurs qui soumissionnent les contrats du ministère des Transports.

Or, depuis des années, Construction Louisbourg et Simard-Beaudry sont d'importants acteurs dans les appels d'offres de Transports Québec. Tout récemment, les deux sociétés ont plaidé coupable à des accusations de fraude fiscale totalisant 4 millions de dollars. Le nom de Tony Accurso fait les manchettes depuis près de deux ans; ses relations étroites avec les dirigeants de la FTQ, Louis Laberge et Michel Arsenault, et le Fonds de solidarité, l'ont mis sur la sellette.

Une participation qui soulève des questions

Joint hier par La Presse, John Galianos a reconnu avoir travaillé quelques mois pour l'escouade Duchesneau. «Jacques Duchesneau m'a appelé. Il y avait un intérêt pour ces dossiers, j'ai dit oui et j'en étais content», dit l'ex-policier.

Il reconnaît que, «vue de l'extérieur», sa participation à l'escouade Duchesneau peut soulever des questions. Des doutes peuvent apparaître sur l'étanchéité du travail des enquêteurs. Même, inversement, on pourrait s'interroger sur les renseignements qu'aurait pu obtenir l'enquêteur Galianos sur les activités de la famille Accurso, étant donné sa singulière position.

«C'est pour ça que je ne suis plus là!» lance-t-il spontanément. Il faut dire que l'ex-policier avait fort à faire dans son entreprise personnelle, Galianos Polygraphe Expert - son expertise comme polygraphe est fort en demande dans le secteur privé.

«Je comprends que, de l'extérieur, on puisse se demander si je suis un gars planté là par Accurso», ajoute-t-il.

«Affaires de la famille»

M. Galianos est depuis une quinzaine d'années le conjoint de Mme Caron, qui a divorcé de Tony Accurso en 1985. Les enfants de Tony Accurso viennent voir leur mère périodiquement. «Je les vois trois ou quatre fois par année», dit M. Galianos. «On se parle de la température, jamais on n'aborde les affaires de la famille», soutient-il. Il a croisé l'entrepreneur dans de rares occasions sociales, un mariage ou des remises de diplômes, mais les deux hommes ne sont jamais allés au-delà des salutations d'usage.

Jacques Duchesneau était au courant de ses rapports avec la famille Accurso et n'y voyait pas de problème. Les deux policiers se sont connus quand l'enquêteur Duchesneau était à l'escouade des homicides à Montréal.

À l'escouade anticollusion, M. Galianos a eu comme premier mandat de faire passer un test de détecteur de mensonge à tout le personnel, y compris son chef, Jacques Duchesneau. «C'était la décision de M. Duchesneau, il voulait s'assurer qu'il n'y avait personne de "planté" là par des entrepreneurs. Il ne voulait pas avoir de chums du chum envoyés dans l'escouade qui puissent faire sortir de l'information.»

Mais son travail ne s'est pas limité à ces vérifications, convient-il. Il était chargé «d'aller  rencontrer du monde, de faire des interrogatoires pour des contrats confidentiels, mais ce n'était pas lié à Accurso. J'avais demandé ça au cas où cela (sa participation) se saurait».

Ses nombreux contacts étaient aussi utiles à l'équipe de Duchesneau, confiera toutefois une source du groupe d'enquêteurs. «Il nous rendait service», explique-t-on. L'escouade de Jacques Duchesneau compte un peu moins de 20 enquêteurs, essentiellement des policiers à la retraite, qui travaillent de leur domicile et qui gagnent près de 90 000 $ par année.

Le travail des enquêteurs est suspendu depuis un mois. À la mi-novembre, M. Duchesneau s'est retiré, le temps que le DGE fasse enquête sur des allégations d'irrégularités lors de sa campagne électorale à la mairie, il y a 12 ans. Le DGE a rencontré la plupart des organisateurs de l'époque.

Les relations entre Tony Accurso et Jacques Duchesneau sont tendues depuis longtemps. Au printemps dernier, M. Duchesneau a envoyé ses inspecteurs dans un chantier de Simard-Beaudry sur la Rive-Sud.