«Deux combinaisons, un pantalon, un polar, un kangourou, une cagoule, une tuque, deux paires de gants, une chienne (bleu de travail) doublée, des bottes de construction et des claques (couvre-chaussures) doublées.»

Perché dans son escabeau au septième étage d'une tour d'habitations en construction, le plombier Dominic Simard énumérait les vêtements qu'il portait pour travailler, lundi.

C'est son armure pour résister à la vague de froid qui fige le Québec depuis quelques jours. «Et ici, c'est pire à cause de la proximité du fleuve. On y goûte!» a ajouté l'ouvrier, rencontré sur le chantier qui s'élève à l'angle des rues Saint-Hubert et de la Commune, dans le Vieux-Montréal.

Comme lui, les plombiers Denis Forget et Alexandre Roussin ont aussi dû s'adapter à la température, qui avoisinait les - 30° lundi à Montréal. «On doit aller se réchauffer aux demi-heures. À 6h du matin, il fait frette en sacrament!» a lancé M. Forget.

Malgré le froid mordant des derniers jours, aucun record n'a été pulvérisé. Le contraste avec l'hiver doux accentue peut-être l'effet sibérien. La température des derniers jours est toutefois bien en deçà des normales saisonnières, qui tournent autour de - 6°, a nuancé Brigitte Bourque, météorologue à Environnement Canada.

Dur pour les sans-abri

En attendant une température plus clémente, les sans-abri continuent de prendre d'assaut les refuges de la ville. Ils s'entassaient nombreux à la Mission Old Brewery, dont les 237 lits étaient occupés, lundi. «Il y a des gens qui couchent dans la cafétéria, et on en dirige vers un autre refuge», a expliqué Richard, un conseiller en intervention au centre d'hébergement du Vieux-Montréal.

Patrice, un des pensionnaires de la Mission, note que la générosité de la population augmente à mesure que le mercure baisse. «Chaque jour, les gens viennent porter de la nourriture, de l'argent et des vêtements.»

Des employés des refuges sillonnent aussi certains endroits prisés des sans-abri pour les convaincre de se mettre au chaud. Mais certains irréductibles résistent. L'un d'eux s'est aménagé un campement de fortune sur le béton du square Viger. Un simple coup d'oeil à son vieux matelas recouvert d'une couverture a de quoi faire grelotter.

Le froid intense a aussi forcé plusieurs écoles à annuler les récréations. C'est le cas de l'école élémentaire Saint-Pierre-Claver, sur le Plateau-Mont-Royal. «À moins de 24° au-dessous de zéro, les enfants ne sortent pas, c'est une règle de la commission scolaire. C'est la même chose s'il fait trop chaud», a expliqué la directrice de l'établissement, Lucie Perelman. «Ça arrive quelques fois par année. On n'aime pas trop ça, c'est plus complexe et les enfants aiment bouger.»

Inscrite en deuxième année, Estelle était pour sa part tout à fait à l'aise avec la décision de rester en classe. «Certains élèves sont tristes, mais moi je voulais rester en dedans pour m'amuser avec des jeux», a indiqué la fillette de 8 ans avant de trotter vers sa salle de classe.

Record de consommation d'électricité

Cette vague de froid a fait en sorte que le Québec a fracassé lundi son record de consommation d'électricité. Pour éviter les pannes, Hydro-Québec avait lancé un appel à la population, la veille, pour lui demander de modérer son recours à l'électricité. On a tout de même atteint lundi une pointe historique de 38 200 mégawatts, alors que la moyenne hivernale oscille autour de 30 000 MW.

Concrètement, la société d'État demande aux gens de réduire l'éclairage, de limiter l'usage de l'eau chaude et d'éviter d'utiliser lave-linge, sécheuse et lave-vaisselle. Hydro-Québec demande aussi aux gens de réduire leur consommation entre 6 h et 9 h le matin et de 16h à 20h en soirée. «Nous avons aussi demandé à nos clients industriels de réduire leur consommation», a souligné Isabelle Thellen, d'Hydro-Québec.

Du côté du CAA-Québec, les problèmes de démarrage tiennent le personnel en haleine depuis quelques jours. Les voitures garées nez à nez et reliées par un câble de survoltage faisaient d'ailleurs partie du paysage, lundi, dans les rues de la métropole. «On est dans une période forte. Lundi, on a eu 4500 appels dans l'ensemble du Québec, alors qu'on en reçoit environ 3000 dans une journée d'hiver normale», a expliqué le porte-parole Cédric Essiminy. Comme la demande est forte, les délais d'attente variaient entre 90 et 120 minutes.

Le CAA a mobilisé près de 1000 patrouilleurs au Québec pour répondre aux appels d'assistance routière.

«Quatre-vingt-dix pour cent des appels concernent un survoltage. Surtout si la voiture n'a pas été démarrée depuis plus de 48 heures», a expliqué M. Essiminy.

Selon Environnement Canada, les températures s'adouciront à compter d'aujourd'hui.