L'hiver et les Jeux olympiques de Vancouver étaient bien finis et les touristes, repartis. Que faire de 100 chiens de traîneau qui, le printemps venu, ne sont plus lucratifs? Les abattre, ont décidé leurs propriétaires. Ils ont confié le massacre à un de leurs employés, qui l'a fait en deux jours, tantôt avec un revolver, tantôt avec un couteau. En série, devant les autres chiens paniqués.

L'employé en question, qui connaissait bon nombre des chiens depuis leur naissance et qui en avait nommé plusieurs, ne s'est pas senti très bien ensuite. Choc post-traumatique, ont diagnostiqué des médecins. Une demande d'indemnisation a été présentée à l'équivalent de la CSST de la Colombie-Britannique, documents qui ont fait l'objet d'une fuite à la station radiophonique locale CKNW.

La station nous a envoyé les documents qui ont permis de révéler l'affaire au grand jour. Ils donnent froid dans le dos.

Ce n'était pas la première fois que l'employé, dont le nom n'est pas révélé, devait tuer des chiens parce qu'ils étaient vieux ou malades, ou parce qu'il s'agissait de chiots non désirés. «La pratique, jusque-là, était d'emmener le chien en promenade dans les bois et de le distraire en lui servant un bon repas de viande, dans un endroit calme, loin des autres chiens.»

Comme il y avait cette fois-là 100 chiens à abattre de façon expéditive, il a fallu le faire devant toute la meute, qui n'a pas manqué de réagir au massacre. «Le 21 avril, peut-on lire dans le document, après qu'une dizaine de chiens eurent été tués, le reste de la meute, qui semblait ressentir de l'anxiété à la vue de cette euthanasie, a commencé à être plus difficile à maîtriser.»

Des souvenirs précis

Même après avoir tué autant de chiens, l'employé se souvient avec précision des derniers moments de certains d'entre eux. Il en va ainsi de Suzie, qui s'est mise à courir, la joue en lambeaux et un oeil sorti de la tête, qu'il a eu du mal à rattraper. Quand il a finalement pu l'achever et qu'il est allé ramasser son corps pour la mettre dans la fosse commune, «il s'est fait attaquer par un autre chien».

En tirant sur Suzie, l'employé s'est rendu compte qu'il avait atteint accidentellement Poker. Or, «Poker ne comptait pas parmi les chiens qui de- vaient être abattus, et c'était l'un de ses préférés», est-il écrit.

«Plusieurs des chiens abattus ont été exécutés par des tirs en série, et il a fallu beaucoup de temps et de lutte avec les animaux pour les tuer.»

Lendemain plus pénible

Le massacre du 23 avril a été encore plus pénible, écrit la commissaire. D'abord parce que l'homme a vu que Nora, qu'il croyait morte depuis 20 minutes, s'est mise à remuer dans la fosse où se trouvaient les cadavres de 10 autres chiens. L'homme a donc dû descendre dans le trou pour l'achever.

Puis il a manqué de munitions. Alors qu'il allait en chercher, «il a été attaqué par un autre chien, qu'il a dû tuer avec un couteau».

Son souvenir de l'abattage des 15 derniers chiens est «flou». «Certains ont été abattus proprement, d'autres ont tenté de s'échapper. Dans certains cas, il a été plus simple de se placer derrière les chiens, de leur ouvrir la gorge et de les saigner à mort.»

Depuis ce temps, l'homme souffre de perte d'appétit, d'angoisse, d'impuissance et de perte de concentration.

Dans un communiqué, l'entreprise Outdoor Adventures Whistler, propriété de Joey Houssian (le fils du fondateur d'Intrawest), a dit n'avoir appris que vendredi dernier la façon dont avaient été tués ces chiens. La firme soutient avoir demandé que «l'euthanasie» soit conduite de façon «propre, humaine et en toute légalité».

La GRC enquête, et la SPCA locale s'est dite outrée de ce scandale. L'affaire a été relayée à l'étranger par des agences de presse internationales et par les médias sociaux, où l'histoire a fait boule de neige.

En entrevue à La Presse, Don Davies, le député de Vancouver-Kingsway, s'est demandé si l'on avait tenté de faire adopter les chiens et si la SPCA avait été jointe au préalable. Il dit souhaiter que les auteurs de ce massacre soient punis et il s'inquiète de l'image du Canada que cela projette à l'étranger. «J'espère que les gens mettront les choses en perspective et considéreront qu'il s'agit d'un geste isolé, largement décrié au Canada.»

Quant à l'employé, sa demande d'indemnisation demeure devant les autorités.