«La plupart des jeunes de mon âge sont encore trop timides pour avoir des relations sexuelles. Envoyer des sextos, c'est moins pire.»

«Mon copain ou d'autres garçons qui me plaisaient m'ont demandé des sextos. J'avais l'impression que, si je ne leur en envoyais pas, ils ne me parleraient plus.»

«Cela arrive parce que les filles veulent que le monde entier sache qu'elles sont belles.»

Ces confidences - recueillies en 2009 par des chercheurs de l'Université du Michigan - aident à mieux comprendre pourquoi les jeunes prennent le risque de s'échanger des images compromettantes.

Bien au fait du phénomène, les experts québécois ont aussi des explications. «Les adolescents ont encore du mal à prévoir la conséquence de leurs actes», souligne d'abord le sociologue et sexologue Simon Louis Lajeunesse, qui enseigne à l'École de service social de l'Université de Montréal.

Sa nièce de 14 ans mettait son journal intime - et osé - sur Facebook, raconte-t-il. «Elle ne réalisait pas qu'elle exposait sa vie à la planète. Les jeunes se croient seuls sur leurs réseaux.»

«On ne se dénuderait jamais en public, mais l'internet est une microsociété où les règles ne sont pas les mêmes. Quand on n'a pas de contact direct, ça désinhibe: on a l'illusion que le danger est moindre», expose de son côté Yohan Émond, responsable de la clinique de pédopsychologie du Centre de psychologie Gouin.

Pour les jeunes, certains gestes sont devenus banals, ajoute Marc Ravart, psychologue et sexologue clinicien. «Il n'y a jamais eu autant d'émissions osées, de téléréalités. Ça crée une distorsion», dit-il.

Autre facteur: l'impulsivité des jeunes. «Chez les adolescents, les pulsions sont très fortes, rappelle Yohan Émond. Sur l'internet, ils les déchargent, un peu comme lorsque, dans l'excitation du moment, ils oublient de se protéger durant une relation sexuelle. Cela arrive même s'ils connaissent les risques.»

Les jeunes ont par ailleurs un besoin d'appartenance très fort. Ils sont influençables, veulent se montrer rebelles et aussi cool que leurs amis.

«Les jeunes ont un immense besoin de reconnaissance, dit Simon Louis Lajeunesse. Si on leur en donnait plus au quotidien, si on cessait de les regarder de haut, ils iraient peut-être moins la chercher sur internet.»

Qu'on le veuille ou non, les filles sont encore otages des rôles traditionnels, estime-t-il. «Dans le monde virtuel, elles peuvent se sentir hot. Mais le fantasme se casse sur la réalité sociale. On demande encore aux femmes de préserver leur vertu et, si elles ne le font pas, elles se font traiter de putains.»

Les garçons qui se vengent d'elles en diffusant leurs photos sont tout aussi «mal pris», dit-il. «Le garçon qui n'a pas d'autre façon d'exprimer sa colère ou de se faire remarquer a besoin d'aide.» Et la culpabilité risque de l'étouffer lorsqu'il réalisera que, sur l'internet, «il n'y a pas de bouton off».

Pour les victimes, les risques de suicide sont réels, dit le sociologue. «Un jeune a moins d'outils que les adultes pour tempérer sa souffrance. Il croit que sa vie est finie et qu'il ne s'en remettra jamais, ce qui est une erreur.»