Entre 2009 et 2010, l'importation de drogues de synthèse, en particulier la kétamine, atteint un volume spectaculaire au Canada si l'on se fie à de récentes statistiques que La Presse a obtenues sur les saisies réalisées par l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

Dans le cas de certaines drogues, l'augmentation des quantités saisies en 2010, en valeur de revente «dans la rue», approche ou dépasse les 2000% lorsque l'on compare avec les données de 2009. C'est le cas notamment de la méthamphétamine et de la kétamine. En revanche, la situation est inverse dans le cas du haschisch, de la marijuana et de l'opium, trois drogues «conventionnelles» pour lesquelles on remarque une diminution substantielle des saisies, tant en quantité qu'en valeur de revente.

Ces statistiques ne concernent que les saisies mais reflètent fidèlement la réalité du terrain, confirme la caporale Mélanie Perrier, du service de sensibilisation aux drogues et au crime organisé de la GRC.

«L'attrait pour ces drogues de synthèse distribuées en comprimés augmente, en particulier chez les jeunes, car c'est très facile de se les procurer et leur coût est minime», constate-t-elle. Elle déplore en outre le faux sentiment d'innocuité qu'elles inspirent aux jeunes: «Un comprimé de couleur avec un logo leur semble inoffensif comparé à la cocaïne. Ils n'ont pas le sentiment de ressembler à des junkies. Mais à la base, l'ecstasy (MDMA) ou la méthamphétamine sont des produits nocifs fabriqués notamment à base de solvants.»

Un des points marquants est l'arrivée de la kétamine en seconde position des saisies pour la valeur de revente dans la rue, après la cocaïne. En 2010, l'Agence des services frontaliers du Canada a fait 15 saisies de kétamine, pour un total de 1900 kg (100 kg en 2009). Cela représente une valeur à la revente d'environ 128 millions de dollars (70$/g) en 2010 comparativement à 5 millions l'année précédente (50$/g).

À la base, la kétamine, surnommée Special K, est un anesthésique utilisé par les vétérinaires pour les félins. Vendue sous forme liquide, en poudre ou en comprimés, c'est aussi une «drogue de bar» au même titre que le GHB, surnommé «drogue du viol».

«La kétamine est un perturbateur qui cause des hallucinations et provoque un sentiment de dissociation du corps, explique Mélanie Perrier. Ces pilules sont faciles à fabriquer.»

Autre fait à noter dans cette photographie du commerce des stupéfiants, c'est qu'il n'y a pas de variations notables en ce qui concerne la cocaïne. Depuis cinq ans, on note une légère progression des quantités saisies, entrecoupée de paliers. En 2009 et 2010, le total des saisies avoisine les 2,2 tonnes. L'une des plus importantes a été réalisée en juin 2009 dans le port d'Halifax (343 kg). La drogue était dissimulée dans des tuiles de céramique en provenance du Venezuela.

Le Canada, important producteur

Dans son dernier rapport sur la situation des drogues illicites au Canada (2009), la GRC écrit que le «Canada est un des plus gros producteurs mondiaux de MDMA (ecstasy) et méthamphétamine». Des drogues de synthèse fabriquées dans des laboratoires clandestins où il n'y a aucun contrôle de qualité, prévient Mélanie Perrier. «Les trafiquants sont là pour réaliser des profits, pas pour se préoccuper de la santé des jeunes.»

L'Organe international de contrôle des stupéfiants de l'ONU a fait le même constat en 2010: «Le pourcentage de MDMA contenu dans les comprimés d'ecstasy fabriqués au Canada a baissé, tandis que le pourcentage des substances chimiques utilisées comme adultérants a augmenté, ce qui risque d'avoir des répercussions importantes sur la santé des consommateurs.»

Au total, l'ASFC estime avoir saisi pour 625 millions de dollars (valeur de revente) en stupéfiants divers en 2010. Cela représente toutefois une baisse significative de 72% par rapport à 2009. Une année faste pour les douaniers due surtout à une saisie record de 1,7 tonne de GHB.

Ces saisies ont eu lieu généralement dans les ports, places fortes du crime organisé, en particulier ceux de Halifax, Montréal et Vancouver, ainsi que dans les trois centres de tri postal de Vancouver, Toronto et Montréal.

- Avec la collaboration de William Leclerc