Le Code de construction du Québec et le Code national du bâtiment du Canada fixent de nombreuses normes en prévision d'un éventuel tremblement de terre d'importance. Mais, en pratique, plusieurs normes ne sont pas suivies, affirment des experts consultés par La Presse.

Le Code de construction du Québec, rénové en 2005 et en 2008, stipule que tous les bâtiments de deux étages et plus, et de huit appartements et plus, doivent pouvoir résister à des tremblements de terre majeurs, comme celui qui a sévi en Nouvelle-Zélande cette année (6,3 dans l'échelle de Richter).

Bien entendu, le Code s'applique aussi aux immeubles non résidentiels. Les experts consultés par La Presse ne mettent pas en doute la qualité des fondations et des structures. Les nouveaux bâtiments devraient normalement résister à un séisme de 6,3.

Éléments non structuraux

Le problème réside beaucoup plus dans la solidité des éléments non structuraux. Lors d'un séisme majeur, les tuyaux d'eau et de gaz ainsi que les câbles électriques qui courent dans les plafonds des édifices à bureaux, par exemple, doivent être fixés pour ne pas tomber en cas de fortes oscillations latérales ou longitudinales.

«Ces installations critiques requièrent d'être protégées par des supports parasismiques tout le long de leur parcours, indique la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) dans une directive envoyée aux entrepreneurs. Advenant un séisme, une défaillance de ces équipements, par exemple un bris sur le réseau de gicleurs ou une fuite d'une conduite de gaz, ne serait pas acceptable.»

En pratique, bien des entrepreneurs qui installent la tuyauterie, la ventilation et l'électricité dans les nouveaux bâtiments ne respectent pas le Code, affirme Mathieu Harvey, directeur du service parasismique de la firme-conseil Seronic.

«Bien des ingénieurs ne vont pas sur les chantiers, déplore M. Harvey. Ils devraient pourtant y aller pour s'assurer que leurs plans et devis sont bien suivis. Ils demandent que les entrepreneurs leur remettent des lettres de conformité. Trop souvent, il s'agit de lettres de complaisance. Des entrepreneurs se tournent vers des firmes qui leur signent des lettres contre 300$, sans même s'assurer que les normes sont suivies. Il y a beaucoup de passe-droits.»

«Le sismique, au Québec, c'est fait tout croche, affirme Martin Cousineau, président de la société Industries sismiques. Ce n'est pas fait comme il faut, pas inspecté comme il faut et pas vérifié comme il faut par le gouvernement. S'il y a un gros tremblement de terre demain matin à Montréal, tout va tomber. Je vous le garantis.»

Invention

L'inventeur Serge Lussier a conçu et fait breveter des supports parasismiques pour les tuyaux. Il a fondé la firme SCH pour les mettre en marché. La Régie du bâtiment a reproduit le dessin de l'un de ces supports dans un message aux entrepreneurs.

Désireux dee vendre son invention, M. Lussier a visité de nombreux chantiers pour voir si les normes étaient respectées. «Sauf exception, elles ne l'étaient pas, dit-il. Quand j'ai commencé à le signaler, j'ai reçu des menaces. On me disait de ne plus revenir sur les chantiers. J'ai fait faillite.»

À la Régie du bâtiment du Québec, on ne semble pas informé de ces allégations. Suzelle Bourdeau, ingénieure à la RBQ, souligne que la responsabilité du respect des normes revient aux ingénieurs qui supervisent les chantiers. «C'est aux ingénieurs de faire les calculs et de s'assurer que tout est fait correctement», a-t-elle dit.

La RBQ peut difficilement surveiller tous les chantiers. Elle a seulement 28 inspecteurs en bâtiment et 12 en plomberie. L'année dernière, il y a eu plus de 50 000 chantiers au Québec.