Un ancien directeur général de la Ville de Québec a réclamé lundi une enquête du ministère des Affaires municipales en raison des apparences de conflit d'intérêts entre le maire de Québec, Régis Labeaume, et le président du conglomérat Quebecor, Pierre Karl Péladeau.

Denis De Belleval s'est inquiété de la proximité constatée entre les deux partenaires du projet de nouvel amphithéâtre, notamment lors d'un voyage à Las Vegas, pour le nouveau spectacle de la chanteuse Céline Dion.

«(M. Labeaume) continue des relations étroites d'amitié et d'affaires avec quelqu'un avec qui il doit ensuite négocier un contrat en bonne et due forme, a-t-il dit. Et ce contrat risque de donner lieu à des conflits. On connaît la réputation de M. Péladeau, ce n'est pas un négociateur mou.»

M. Labeaume a défrayé au moins une partie de son voyage à Las Vegas, la semaine dernière, où il devait passer des vacances avec sa conjointe et retrouver M. Péladeau pour des rencontres avec des personnalités de «très haut niveau dans le domaine du spectacle». Il devait alors être question de l'amphithéâtre, où Quebecor sera chargé de programmer des spectacles, en vertu d'une entente de gestion conclue au début du mois.

«Même si ce n'était pas à titre privé, ça n'empêche pas les apparences de conflit d'intérêts», a déclaré M. De Belleval lors d'une entrevue à La Presse Canadienne.

M. De Belleval n'a pas voulu critiquer la décision du ministère des Affaires municipales, qui attend d'avoir les détails du montage financier du projet d'amphithéâtre, complétés au printemps 2013, avant de décider si une vérification administrative est nécessaire relativement à l'entente, conclue de gré à gré entre la Ville de Québec et Quebecor.

L'ancien ministre péquiste, au gouvernement de 1976 à 1982, a cependant affirmé qu'il faudrait procéder sans tarder pour faire la lumière dans ce dossier, où il juge qu'un appel d'offres aurait été nécessaire.

«C'est sûr qu'il faut une enquête, a-t-il dit. Parce que sinon, le maire peut négocier comme ça, directement. (...) C'est le maire lui-même qui gère le dossier en dehors des cadres administratifs normaux de la Ville.»

Après avoir annoncé l'entente avec Quebecor, le 1er mars, M. Labeaume et ses proches collaborateurs ont célébré dans un restaurant en compagnie de M. Péladeau et sa conjointe, Julie Snyder.

M. De Belleval a estimé lundi qu'en côtoyant de près l'homme d'affaires, M. Labeaume se place dans une position très délicate, étant donné que la version finale de l'entente doit encore faire l'objet de négociation, au cours des prochains mois.

L'ancien directeur général, qui a aussi été ministre de la Fonction publique et des Transports, croit que M. Labeaume sera très mal placé pour arbitrer d'éventuels conflits.

«Ils ont 180 jours pour négocier le contrat final, a-t-il dit. Donc, il faudra d'autres négociations. Si on se rend compte que ce contrat pose problème, alors que le maire entretient déjà des relations d'amitié et côtoie régulièrement son concessionnaire, on voit bien qu'il y a un problème.»

La Presse Canadienne a logé des appels, lundi, à la Ville de Québec ainsi qu'au cabinet de M. Labeaume.

La semaine dernière, le ministre responsable de la région de Québec, Sam Hamad, et son collègue des Affaires municipales, Laurent Lessard, ont refusé de commenter la décision de Québec de procéder sans appel d'offres pour accorder le contrat de gestion à Quebecor, une entente dont la valeur pourrait s'élever à 200 millions $.

Les deux ministres ont justifié leur réserve par le fait que le commissaire au lobbyisme, François Casgrain, a amorcé une démarche afin de vérifier pourquoi Quebecor a été la seule entreprise à s'inscrire au registre des lobbyistes, dans le dossier de l'amphithéâtre, alors que M. Labeaume soutient avoir eu des discussions avec cinq autres groupes.

Le premier ministre Jean Charest a promis, en février dernier, de payer 50 pour cent des coûts de construction du nouvel amphithéâtre, jusqu'à concurrence de 200 millions $.

La part de la Ville de Québec est estimée à 187 millions $.

Les coûts réels de l'installation, évalués actuellement à 400 millions $, seront connus au printemps 2013.