Le Conseil de presse du Québec blâme le magazine Maclean's pour avoir manqué de rigueur et véhiculé des préjugés en affirmant que le Québec est la province la plus corrompue du Canada.

Dans une décision rendue publique mardi, le tribunal d'honneur des médias québécois critique aussi le travail d'un journaliste et d'un chroniqueur dont les articles ont été publiés par le magazine torontois l'automne dernier.

Le Conseil de presse donne ainsi en partie raison au militant souverainiste Gilles Rhéaume, qui avait dénoncé dans une plainte la publication d'un numéro de Maclean's, le 24 septembre dernier.

La page frontispice présentait une image de la mascotte du Carnaval de Québec, le Bonhomme Carnaval, une serviette débordant de billets de banque à la main, accompagnée de la manchette: «The Most Corrupt Province In Canada» (La province la plus corrompue au Canada).

M. Rhéaume affirmait que les articles avaient une «teneur discriminatoire, francophobe et québécophobe» et soutenait que l'utilisation du Bonhomme Carnaval constituait une atteinte à l'image d'un «symbole national des Québécois», a indiqué le Conseil dans un communiqué diffusé mardi.

Selon une décision unanime des sept membres de l'organisme qui ont étudié la plainte, jamais l'article du journaliste Martin Patriquin ou aucun autre article du magazine ne démontre que le Québec serait la province la plus corrompue du Canada.

«D'une voix unanime, le Comité des plaintes et de l'éthique de l'information (CPEI) du Conseil de presse a jugé que les titres de l'article et du magazine étaient porteurs de préjugés discriminatoires, en ce sens que l'accusation qui était ainsi portée, lourde de signification, n'a jamais été démontrée dans les articles qu'ils coiffaient», indique le communiqué.

Le CPEI conclut que le magazine avait le droit de représenter le Bonhomme Carnaval dans une caricature, ce choix relevant de sa liberté rédactionnelle.

«Bien qu'on puisse remettre en question la justesse de ce choix, il reste qu'il est conforme aux règles déontologiques reconnues», affirme l'organisme.

Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, mardi, M. Rhéaume s'est montré satisfait de la décision du tribunal d'honneur.

«Elle rappelle à l'ordre le premier magazine canadien pour avoir véhiculé des préjugés contre le Québec, a-t-il dit. C'est quand même pas rien. Ça vient démontrer que lorsqu'on parle du «Quebec bashing', c'est quelque chose qui est avéré.»

Une porte-parole de Maclean's, Louise Léger, a dit que le magazine préférait ne pas commenter la décision du Conseil de presse. L'organisme exige la publication ou la diffusion de sa décision par le magazine.

Après analyse, six des sept membres du CPEI ont conclu que M. Patriquin a manqué de rigueur en se limitant à recueillir plusieurs points de vue rapportant l'existence d'une série de cas de corruption au Québec, sans présenter d'analyse comparative avec d'autres provinces.

L'organisme estime que les affirmations de M. Patriquin «relèvent de préjugés, d'autant plus condamnables dans les circonstances qu'ils portent préjudice à l'ensemble des Québécois».

Un membre du CPEI conclut par contre que la démarche journalistique de M. Patriquin était suffisante

Quatre des sept membres du comité ont aussi critiqué le chroniqueur Andrew Coyne, jugeant qu'il a lui aussi manqué de rigueur et véhiculé des préjugés en écrivant que les scandales de corruption sont plus probables au Québec «si les politiciens évoluent dans un contexte où le public accepte de telles activités».

Trois membres ont estimé que M. Coyne était demeuré dans les limites du texte d'opinion que constitue une chronique.

Finalement, le Conseil de presse blâme Maclean's pour son manque de collaboration démontré en ne répondant pas à la plainte de M. Rhéaume.

L'automne dernier, le premier ministre Jean Charest avait écrit au magazine pour réclamer des excuses.

Les quatre partis fédéraux à la Chambre des communes avaient eux aussi dénoncé l'article de Maclean's.

Après avoir soutenu que le magazine avait porté atteinte à l'image de sa mascotte, le Carnaval de Québec a obtenu des excuses ainsi qu'une entente à l'amiable dont les termes demeurent confidentiels.