Il y a quelques années, il y a eu prise de conscience généralisée - relayée à grands coups de reportages et de documentaires-chocs - du fait que les enfants de la DPJ, trop souvent ballottés d'une famille d'accueil à une autre, menaient des vies misérables. La loi a été changée en 2007 afin que les enfants soient fixés sur leur sort à l'intérieur de délais très précis. Contrairement à ce qui avait été compris du plus grand nombre au départ, cela n'a pas entraîné plus d'adoptions. Qu'est-ce que la loi a changé pour les enfants, finalement?

Le tiers des enfants de la DPJ - plutôt que le quart sous l'ancienne loi - sont désormais confiés à un membre de leur famille élargie ou à un «tiers significatif» (1). Résultat: d'une manière ou d'une autre, la très grande priorité continue d'être donnée aux liens biologiques.

Josée, qui est depuis peu à la retraite et qui a vécu la transition légale, a bien senti sur le terrain ce que traduisent aujourd'hui les statistiques. Elle ne cache pas son dépit. «L'objectif du gouvernement, c'est d'arrêter de payer. Et quand l'enfant est confié à sa tante, très souvent, on ferme le dossier rapidement.»

En plus, les juges ne se refont pas, poursuit Josée. Ils sont souvent dans la cinquantaine et, pendant des années, la loi et les pratiques n'en avaient que pour la réhabilitation des parents. Aujourd'hui, la priorité demeure les liens de sang - par la bande.

Le problème, dit Josée, c'est qu'«une mère et un père incapables de s'occuper de leurs enfants sont le plus souvent eux-mêmes issus d'une famille de gens fragiles. S'ils ont un problème de consommation, il y a de très forts risques que leurs frères et soeurs n'aient pas un mode de vie plus stable.»

Quand un membre de la fratrie aura réussi à se tirer d'affaire, aura-t-il vraiment envie de prendre en charge l'enfant de sa soeur ou de son frère, avec ce que cela supposera de contacts avec celui ou celle qui n'est vraiment pas facile à vivre?

La réponse est souvent non, poursuit Josée, avec pour conséquence que, quand tout l'entourage a été passé au crible, «il peut arriver que l'enfant se retrouve avec la conjointe d'une tante ou avec la femme du grand-père, avec lequel il n'a pas de liens biologiques de toute façon.»

Si une tante, par exemple, consent à s'occuper de l'enfant, «elle s'exposera à la pression de sa soeur, qui voudra rendre visite à son enfant. S'il s'agissait d'une situation normale de famille d'accueil, la mère devrait passer par la travailleuse sociale, qui déterminerait si la visite est appropriée ou pas. Quand il est question de parenté, c'est plus difficile de refuser.»

Le nombre d'adoptions en bonne et due forme, lui, demeure limité - il a même légèrement fléchi avec la nouvelle loi: il est passé de 0,7% à 0,5% des cas, et il n'y a eu que 173 tutelles au Québec depuis 2008.

Une loi encore très jeune

Comme le précise Sylvie Desmarais, directrice-conseil à la Protection de la jeunesse, la nouvelle loi est encore bien jeune et il est encore tôt pour tirer des conclusions. Il n'est pas impossible, par exemple, que le nombre de tutelles augmente avec les années.

Il reste que la tendance, quand les parents sont incapables de se reprendre en main, est nettement de confier l'enfant à quelqu'un de son entourage.

En 2010, 1900 enfants ont été confiés à un tiers significatif, la plupart du temps un membre de la famille élargie. C'est d'autant plus souhaitable, selon Mme Desmarais, que même en vertu de la nouvelle loi, «l'objectif premier demeure que l'enfant puisse retourner dans son milieu».

Mais ne faut-il pas craindre que l'enfant confié à quelqu'un de son entourage immédiat soit sans cesse en contact avec ses parents, qui sont pourtant tellement «toxiques» pour lui qu'il leur a été retiré?

«On peut faire des recommandations à cet égard au tribunal et mettre en place des mesures précises, qui peuvent même inclure une interdiction de contact», dit Mme Desmarais.

Une fois l'adoption ou la tutelle prononcée, la DPJ ferme le dossier. Pour ce qui est des cas, beaucoup plus répandus, où l'enfant est confié à quelqu'un de son entourage, Mme Desmarais précise que les dossiers sont parfois fermés, parfois non. Elle n'a cependant pu préciser dans quelle proportion des cas la DPJ continue de veiller, ces données n'étant pas disponibles.

1. Source: Évaluation des impacts de la nouvelle loi sur la protection de la jeunesse au Québec, Daniel Turcotte et al., septembre 2010.

QUELQUES CHIFFRES

> Nombre de signalements à la DPJ au 31 mars 2010: 70 716

> Nombre d'enfants en famille d'accueil au 31 mars 2010: 6583

> Nombre d'enfants confiés à leur entourage en 2010: environ 1900

> Nombre de tutelles depuis 2008: 173

> Nombre d'adoptions ces années-ci: environ 300 par année