Selon la DPJ, la réforme de la loi ne sera pas complète tant que Québec n'aura pas revu sa politique en matière d'adoption, attendue ce printemps, et maintenant espérée pour l'automne. La DPJ souhaite que l'on autorise l'adoption ouverte, par laquelle des enfants pourraient être adoptés de façon permanente sans pour autant perdre contact avec leurs parents biologiques. La question est cependant loin de faire l'unanimité.

Nathalie a goûté à ce que cela pourrait donner. Elle a adopté deux enfants. Dans le cas de l'aîné, la mère biologique a consenti à l'adoption, mais non dans celui de la benjamine. Aussi Nathalie a-t-elle dû se rendre régulièrement à des visites supervisées. Elle y laissait l'enfant avec sa mère en présence d'une travailleuse sociale. «La mère était elle-même un produit des centres d'accueil, elle avait été elle-même abandonnée. À lire le dossier, on avait presque le goût d'adopter la mère tellement sa vie avait été misérable.»

Les visites se passaient mal. La petite, qui connaissait à peine sa mère biologique, pleurait sans cesse. La mère, elle, a perdu progressivement tout intérêt. Les visites se sont faites plus courtes, puis plus rares, et l'adoption a pu être prononcée.

Même si, légalement, tout est encore fait pour maintenir les liens biologiques, Nathalie a eu le sentiment que les travailleurs sociaux étaient conscients qu'il était dans l'intérêt de l'enfant d'être avec sa famille d'accueil. «Ils redoutaient les juges et ils disaient que, dans leurs dossiers, ils espéraient souvent tomber sur celui qui n'en a pas que pour les liens du sang.»

Si l'adoption devenait ouverte au Québec et que les enfants adoptés gardaient néanmoins contact avec leurs parents biologiques, les juges seraient peut-être plus enclins à consentir à l'adoption.

Aussi, fait observer Sylvie Desmarais, directrice-conseil à la Protection de la jeunesse, «les parents accepteraient peut-être plus facilement de confier leur enfant à l'adoption s'ils savaient qu'ils pourront toujours recevoir des photos ou des nouvelles d'eux. Je ne dis pas que l'adoption ouverte serait une panacée, mais ça pourrait aider dans certains dossiers».

En même temps, croit Josée, travailleuse sociale de la DPJ à la retraite depuis peu, «des couples auraient-ils vraiment envie d'adopter s'ils étaient obligés, pendant des années, de garder contact avec des parents biologiques qui ne sont pas faciles?»

Presque tous les parents adoptifs sont stériles, rappelle Josée, et cela suppose de faire le deuil de la grossesse. S'ils décident d'adopter un enfant et qu'ils doivent maintenir des contacts avec les parents biologiques, «cela leur rappellera sans cesse que cet enfant n'est pas le leur, et ce n'est pas facile».

Le Dr Yvon Gauthier, qui a été pédopsychiatre à l'hôpital Sainte-Justine jusqu'à sa retraite et qui a tenu une clinique de l'attachement, n'est pas contre l'idée de permettre l'adoption ouverte avec maintien du lien biologique, mais il relève que cela n'est pas simple. «C'est bien beau, la génétique, mais le danger, c'est de mêler l'enfant. Si l'adoption devenait ouverte, je suis d'avis que, avant l'âge de 8 ou 10 ans, il ne devrait pas y avoir plus d'une visite par an avec les parents biologiques. Avant cela, c'est dur pour un enfant de comprendre ce qui se passe.»