La satisfaction du consommateur - plutôt que l'agriculture - est au coeur de la première politique bioalimentaire du Québec, dévoilée hier par Pierre Corbeil, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ). Ses priorités: mieux distinguer les produits du Québec, rendre les entreprises plus concurrentielles, valoriser l'environnement et le vaste territoire de la province.

«C'est un très grand changement, parce que jusqu'ici, on était plutôt en mode production et promotion, a dit M. Corbeil à La Presse. Alors que là, on veut sensibiliser et informer les gens pour stimuler l'activité économique importante qui est reliée au secteur de l'alimentation.»

Les Québécois ont acheté pour 34 milliards de produits alimentaires en 2010; un peu plus de 55% de ces emplettes ont été réalisées auprès de fournisseurs d'ici, selon le livre vert. «Ça fait travailler 475 000 personnes, c'est 12% de nos emplois au Québec», a souligné M. Corbeil. Les entreprises québécoises exportent aussi: plus de la moitié de leurs ventes se font à l'extérieur de la province.

Pour mieux distinguer les produits d'ici, la politique nommée «Donner le goût du Québec» propose de multiplier les appellations réservées comme celle de l'Agneau de Charlevoix. Elle veut rendre plus présents les aliments québécois, tant dans nos épiceries qu'à l'étranger, tout en favorisant les circuits courts de commercialisation.

Incontournable en pleine crise de la bactérie mortelle Eceh, le renforcement des mécanismes assurant la sécurité alimentaire est au menu. Plus des deux tiers des Québécois estiment que la priorité du gouvernement doit être «la salubrité et la qualité des aliments», selon un sondage SOM effectué pour le MAPAQ en avril 2009.

Environnement

Québec mise «sur des entreprises rentables et efficaces», les avertissant qu'elles «devront globalement prendre les moyens pour améliorer leur productivité». Une plus grande diversification du secteur bioalimentaire est prônée, dans tout le territoire, même le Nord.

Au total, 72% des Québécois sont inquiets de l'impact des pratiques agricoles sur l'environnement, selon le sondage SOM. Le livre vert veut, par conséquent, «assurer un développement respectant l'environnement», en réduisant notamment l'utilisation de pesticides. Près de 4% du territoire de la province est considéré comme zone agricole et Québec entend «limiter les pressions d'urbanisation» sur ce patrimoine pour le protéger.

Une commission parlementaire permettra de recueillir les avis sur cette politique bioalimentaire, avant le dépôt d'un projet de loi. «Je suis vraiment convaincu que cette future politique va devenir un phare pour l'avenir, en terme d'occupation dynamique du territoire et d'activité économique dans toutes nos régions», a dit M. Corbeil.

Et les producteurs?

Claire Bolduc, présidente de Solidarité rurale, a pressé le gouvernement d'agir plutôt que d'encore consulter. «L'adoption de la Politique agricole est devenue urgente», a-t-elle indiqué dans un communiqué.

«Placer le produit au coeur de la politique va de soi, mais qu'en est-il des producteurs eux-mêmes? a réagi Christian Lacasse, président de l'Union des producteurs agricoles (UPA). De ceux qui, du matin jusqu'au soir, travaillent à nourrir leurs concitoyens? Tout comme nous, les Québécois ne veulent pas d'un modèle agricole industriel à l'américaine.» M. Lacasse a aussi défendu l'organisation unique pour représenter les producteurs agricoles. Organisation remise en question à la toute fin du livre vert.

Nature Québec aurait souhaité une vision «plus novatrice, moins en silo». L'organisme a déploré que «le programme très coûteux et peu performant de l'assurance stabilisation où plus de 700 millions d'argent public sont investis chaque année» ne soit pas remis en cause.