Le cas de Nathalie Morin est «une horreur totale», dit le sénateur Jean-Claude Rivest, qui suit le dossier de la jeune femme depuis quelques mois. «Elle vit dans des conditions absolument inhumaines, d'après ce que me dit sa mère, et je n'ai aucune raison de ne pas la croire.»

Le sénateur Rivest essaie d'aider Nathalie Morin à quitter l'Arabie Saoudite avec ses enfants. Mais, pour cela, il n'y a pas trente-six solutions. L'Arabie Saoudite considère Nathalie Morin comme une citoyenne en bonne et due forme, mariée à un Saoudien - et soumise à sa tutelle.

Or, la protection diplomatique canadienne s'arrête là où commencent les lois d'un autre pays. Tant que Saïd al-Shahrani refuse de laisser partir sa femme, elle est retenue en Arabie Saoudite. Situation sans issue? Peut-être pas, car Saïd al-Shahrani est d'accord pour que sa famille rentre au Canada, à la condition de pouvoir y vivre lui aussi.

Sa demande de résidence permanente a été faite en bonne et due forme l'automne dernier. Actuellement, elle en est à l'étape des vérifications de sécurité. Le dossier traîne, déplore Jean-Claude Rivest, qui espère que, dès que cette étape sera franchie, la demande sera traitée rapidement. «Je comprends la logique bureaucratique, mais la situation personnelle de Nathalie et de ses enfants est tout à fait tragique», dit-il.

Le ministère de l'Immigration est-il prêt à mettre le dossier de Nathalie sur la voie express? «Le gouvernement du Canada est au courant de ce cas. Nous en assurons le suivi. Avec la Loi sur la protection des renseignements personnels, nous ne pouvons pas parler des cas individuels sans l'autorisation des personnes concernées», répond une porte-parole du Ministère, Kelli Fraser.

Mais le Canada a-t-il vraiment besoin d'un immigrant comme Saïd al-Shahrani, qui maltraite sa femme et a peut-être quelques taches sur son dossier? «Il faut absolument rapatrier Nathalie Morin et ses enfants. Parfois, il y a un prix à payer. Dans ce cas, les dommages collatéraux ne seraient pas si élevés que ça», estime le député québécois Amir Khadir.

La question de la garde

Johanne Durocher a écrit au ministre des Affaires étrangères, John Baird, cette semaine, pour lui demander de trouver «une solution permanente» à la situation de sa fille. Mais le Ministère lui demande de commencer par régler la question de la garde des trois enfants, qui ont la double citoyenneté canadienne et saoudienne, avant de penser à les ramener au Canada.

«Nathalie Morin se trouve dans une situation de conflit familial complexe en Arabie Saoudite», écrit un porte-parole du Ministère, John Babcock. Il ajoute que la jeune femme doit régler la question de la garde des enfants en passant par les «voies juridiques saoudiennes appropriées», avant que le gouvernement du Canada ne facilite leur retour.

L'ancien ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon, et le secrétaire parlementaire Deepak Obhrai ont tous les deux évoqué le cas de Nathalie Morin auprès du gouvernement d'Arabie Saoudite lorsqu'ils ont visité le pays, rappelle le Ministère. Il y a un an, le ministre Cannon a aussi abordé cette affaire avec le vice-ministre de l'Intérieur saoudien à Ottawa. Toutes ces démarches ont permis ponctuellement d'alléger le sort de la jeune femme - qui a reçu par exemple des services d'un comité saoudien des droits de la personne - mais pour l'essentiel, sa situation reste la même depuis cinq ans.

«Les agents consulaires continuent d'appuyer Mme Morin en vue de favoriser la résolution de la situation, mais leur capacité d'intervention est limitée par les lois de l'Arabie Saoudite», écrit John Babcock.

Mais le député Amir Khadir n'en revient pas qu'Ottawa soit aussi respectueux de lois discriminatoires qu'il combat ailleurs sur la planète. Et il se désole de voir que le «gouvernement prenne autant de précautions pour ne pas bousculer les lois de l'Arabie Saoudite, alors qu'on dépense des millions pour aider les femmes afghanes à se libérer des talibans».