Québec devrait rapatrier les deux tableaux d'Alfred Pellan retirés récemment des murs du ministère des Affaires étrangères, à Ottawa, selon l'opposition péquiste.

Le fait qu'on ait choisi de décrocher ces deux oeuvres du célèbre peintre québécois pour faire place à une photo de la reine Élizabeth II démontre le peu de respect que le gouvernement conservateur accorde à l'art produit au Québec, selon le porte-parole péquiste en matière de culture, Yves-François Blanchet.

Dans ces circonstances, il est d'avis que la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, devrait proposer à Ottawa de rapatrier les deux tableaux au Québec, où ils seraient appréciés à leur juste valeur.

«C'est un manque de respect à l'endroit des Québécois», conclut le député de Drummond, lors d'une entrevue téléphonique à La Presse Canadienne mercredi.

Conséquemment, pour la ministre St-Pierre, «la moindre des choses» serait de dire «au ministre Baird: «Envoyez-nous les, les tableaux. Nous, on va les rendre disponibles et visibles au public»'.

En vacances, la ministre St-Pierre n'était pas disponible pour une entrevue.

Chose certaine, selon le député péquiste, le ministre des Affaires étrangères, John Baird, n'aurait pas agi de la sorte «s'il avait respecté l'artiste. Il ne l'aurait pas fait s'il avait respecté le Québec. Il ne l'aurait pas fait s'il n'avait pas voulu faire plaisir à la famille royale britannique».

«Comme souverainiste, je veux qu'un maximum de Québécois sachent ce que pense le ministre des Affaires étrangères du Canada des arts québécois, c'est-à-dire peu de choses», selon lui.

L'ancien directeur général du Musée national des beaux-arts du Québec, actuel président de la fondation du musée et grand amateur de Pellan, John Porter, est aussi d'avis que le Québec ferait bon usage de ces deux «oeuvres majeures» si Ottawa cherche à s'en départir.

«Si jamais il n'y a pas d'instance fédérale intéressée à accueillir les Pellan, je peux vous dire que le Musée national des beaux-arts du Québec serait très certainement ravi de les accueillir», a indiqué M. Porter en entrevue.

Le musée de Québec serait disposé à les accrocher à ses cimaises «n'importe quand», assure-t-il, et ce, même s'il possède déjà la plus importante collection de Pellan au Canada, soit plus de 200 oeuvres.

Ces tableaux figuratifs, aux couleurs vives, de grande dimension, ont d'autant plus de valeur, à ses yeux, que personne, pas même lui, n'en connaissait l'existence avant que le ministre décide d'en disposer.

Leur intérêt réside aussi, ajoute-t-il, dans le thème choisi: ils présentent la vision de l'artiste des deux parties du Canada, l'ouest (avec ses montagnes et ses totems autochtones) et l'est (illustrant des pêcheurs, des orignaux et des voiliers).

«Le sens de ces deux tableaux est très politique et très symbolique. Cela veut dire: «A mare usque ad mare', d'une mer à l'autre. Cela représente le pays», dit cet historien de l'art.

Les deux oeuvres trônaient côte à côte, dans le hall de l'édifice qui abrite le ministère des Affaires étrangères, à Ottawa, depuis 1973. Elles avaient été commandées à Pellan, à l'époque de retour d'un long séjour à Paris, pour souligner l'ouverture, en 1944, de la première mission canadienne à Rio de Janeiro, au Brésil.

Mardi, un porte-parole du ministre Baird, Chris Day, avait expliqué que le changement de décor avait été planifié en vue du jubilé de diamant de la reine Élizabeth II, en 2012. La photographie de la reine a été accrochée au mur juste à temps pour la visite à Ottawa de son petit-fils, le prince William, et de son épouse Kate, début juillet.

M. Day a dit ignorer quel sort avait été réservé aux deux tableaux du maître québécois de l'art moderne.

Alfred Pellan est un des peintres québécois et canadiens parmi les plus illustres. Décédé en 1988, à Laval, il a reçu de nombreuses distinctions du gouvernement du Canada et de celui du Québec.

Ce qu'il faut surtout retenir de l'incident, selon M. Porter, c'est que deux tableaux majeurs d'un des plus importants peintres du pays sont désormais connus du public.

Le gouvernement fédéral a donc à compter de maintenant «une belle occasion de les faire découvrir au public québécois, au public canadien», dit-il.