L'effondrement d'une poutre de l'autoroute Ville-Marie devrait pousser Québec à remettre en question sa politique de limitation des coûts de construction des infrastructures routières, estime la présidente de l'Ordre des ingénieurs du Québec, Maud Cohen.

«Il faut arrêter de vouloir les choses au plus bas coût. Surtout à l'heure où nous sommes en train de reconstruire toutes ces infrastructures, il ne faut absolument pas négliger la phase de la conception», dit Mme Cohen.

Selon elle, investir plus d'argent à cette étape se révélerait très payant à long terme pour le ministère des Transports puisque cela prolongerait la durée de vie des infrastructures.

«Quand on envisage que les coûts de conception représentent seulement 5% du coût d'une infrastructure sur le total de sa vie, est-ce qu'on ne veut pas faire ça de la meilleure façon dès le début? Souvent, on veut limiter le travail des ingénieurs et architectes dès le début, ce qui fait qu'on compromet de bonnes idées qui pourraient permettre de réduire les coûts d'entretien dans l'avenir», explique-t-elle.

Elle cite l'exemple du pont Champlain, qui s'est détérioré beaucoup trop vite, selon elle: «C'est triste de voir qu'on doit le remplacer après 50 ans. Triste pour les milliards de dollars qui devront être dépensés pour une infrastructure qui aurait dû vivre au moins 30 ou 50 ans de plus.»

En ce qui a trait à l'effondrement sur l'autoroute Ville-Marie, la présidente de l'Ordre a lu le reportage publié hier dans La Presse, qui soulève des questions sur la conception de l'ouvrage et sur la planification des travaux de réfection par les firmes de génie-conseil CIMA", Dessau et SNC-Lavalin. Mais elle préfère attendre les conclusions de l'enquête des deux ingénieurs indépendants nommés par le Ministère avant de se prononcer. «Si leur enquête révèle que la conception de l'ouvrage ou les travaux sont en cause, nous allons à notre tour faire une enquête plus poussée sur les ingénieurs afin de voir s'il y a eu faute déontologique», dit-elle.

Les pénalités en cas de faute peuvent aller d'un blâme à la radiation, en passant par une amende. En 2010-2011, 7 ingénieurs ont été sanctionnés, contre 16 en 2009-2010. L'Ordre compte 60 000 membres.

Mme Cohen ne croit toutefois pas que l'effondrement de structures dont l'entretien peut avoir été négligé illustre des lacunes dans la profession au Québec.

«Je pense qu'on a des ingénieurs compétents capables de réaliser des ouvrages. D'ailleurs, notre génie-conseil brille à l'extérieur du Québec. Maintenant, qu'est-ce qui s'est produit sur cet ouvrage? Il faut le déterminer.»