En catimini, les Rôtisseries St-Hubert ont cessé de servir du poulet tout végétal, c'est à dire nourri sans farines animales. Composées de carcasses d'animaux cuites à haute température, ces farines ont été réintégrées il y a quelques mois dans l'alimentation des millions de poulets servis chaque année par la célèbre chaîne, pour des questions de coût et de réglementation.

«Pour le poulet végétal comme pour le poulet sans antibiotiques, les gens ne sont pas toujours prêts à payer plus cher, a indiqué hier à La Presse Josée Vaillancourt, conseillère en communication de St-Hubert. On le voit à l'épicerie, ce n'est pas tout le monde qui est prêt à payer plus cher pour des carottes ou du chou-fleur biologiques. C'est un peu la même chose pour le poulet.»

Jean-Pierre Léger, président de St-Hubert, avait annoncé avec fierté, en 2002, la décision de la chaîne de ne servir que des poulets nourris au grain. «On tente de se tenir loin des drames qui sont survenus en Europe depuis les années 90», avait-il expliqué. La maladie de la vache folle  qui se serait propagée par les farines animales, la fièvre aphteuse et le poulet à la dioxine suscitaient alors des craintes.

Hier encore, le site internet des rôtisseries indiquait «Chez St-Hubert, nous ne servons que du poulet végétal», nourri d'un mélange «composé de maïs, de blé et de soja, ainsi que de vitamines et de minéraux, sans aucun gras ou sous-produit d'origine animale». Des corrections seront faites, a assuré Mme Vaillancourt.

20 cents de plus le kilogramme

Le problème, c'est que le kilogramme de poulet végétal coûte 20 cents de plus que le poulet ordinaire, dit Serge Potvin, directeur du marketing d'Exceldor, fournisseur de St-Hubert. «Avec l'inflation qu'on a eue depuis cinq ans, ces 20 cents sont très, très durs à passer au consommateur, a-t-il fait valoir. Même pour les restaurants, cela fait très mal au chapitre du coût des portions.»

Mais il y a plus, une nouvelle règle de l'Agence canadienne d'inspection des aliments exige que le poulet «nourri de grains végétaux» n'ait consommé absolument aucun sous-produit animal. Sans exception. Or, le poulet végétal recevait de la vitamine D dont la capsule est faite de gélatine, sous-produit du porc. Exceldor qui produit 70 millions de poulets par an a tenté en vain de trouver une vitamine D sans gélatine.

«On ne peut plus dire que c'est un poulet végétal, alors il n'y a plus d'avantage à le faire, a expliqué M. Potvin. On a appris ça à la mi-2010 et on a arrêté de produire des poulets végétaux en mars de cette année.» Tous les poulets d'Exceldor reçoivent dorénavant des farines animales, en plus du grain. «C'est de 5 à 10 % de la ration», a précisé M. Potvin.

Olymel, autre fournisseur de St-Hubert, constate aussi le déclin du poulet végétal. «En 2010, le tiers de notre abattage était du poulet végétal, a dit Richard Vigneault, porte-parole d'Olymel, qui produit 80 millions de poulets par an. Cette année, ça va être moins parce que la demande baisse.»

Retour des farines animales en Europe



Même l'Europe vient de décider de réintroduire les farines animales dans l'alimentation des porcs, volailles et poissons. Rebaptisées «protéines animales transformées», ces farines ne pourront être données aux ruminants ni à l'espèce animale dont elles sont issues.

«Les protéines animales transformées sont des sous-produits d'animaux sains pour la consommation humaine, comme les plumes, cuirs, os et viscères, a dit Véronique Bellemain, du Conseil national de l'alimentation, à Rue 89. En Asie ou en Afrique, ces parties sont d'ailleurs mangées par les humains. Il ne s'agit pas d'autoriser les farines issues des cadavres trouvés morts à la ferme et qui sont peut-être morts de maladie.»