La mère de famille mexicaine Paola Ortiz devra se présenter demain matin aux agents d'immigration pour être de nouveau amenée à l'aéroport de Montréal. En dépit du soutien de plusieurs organismes communautaires, elle devra donc retourner vers le pays qu'elle a fui il y a bientôt six ans. À moins que le ministre de l'Immigration Jason Kenney n'en décide autrement.

«Ça fait peur. Je tremble, oui, mais j'ai un jour de plus avec mes enfants», a dit la jeune femme, mercredi, devant les bureaux montréalais d'Immigration Canada.

La situation de Paola Ortiz suscite, depuis quelques jours, l'intérêt, et l'indignation. Mme Ortiz a fui en 2006 les sévices de son conjoint, officier de la police fédérale mexicaine. Elle a demandé l'asile politique en 2006, mais la Commission de l'immigration et du statut du réfugié (CISR) lui a opposé une fin de non-recevoir. Selon la CISR, le Mexique peut lui offrir toute la protection dont elle a besoin. Une version réfutée par l'avocat de Mme Ortiz.

Pour la Fédération des femmes du Québec (FFQ), les femmes qui fuient la violence sont trop souvent suspectées, par le gouvernement, de mentir. «Officiellement, la violence conjugale est un motif d'asile. Officieusement, c'est difficile d'obtenir l'asile pour cette raison», déplore Alexandra Pierre, responsable des luttes contre le racisme et la discrimination de la FFQ.

Paola Ortiz a multiplié les démarches pour rester au Canada. En vain. À trois reprises, elle fait l'objet de mesures d'expulsion, qu'elle a réussi à ajourner. Au cours des dernières semaines, l'étau s'est resserré autour d'elle: placée en détention pendant quelques jours en août, elle a appris, la semaine dernière, que ses jours au Canada étaient comptés.

Vie mouvementée

La vie de la jeune femme au Canada n'a rien eu d'un long fleuve tranquille. Mais pour la première fois, elle venait tout juste de trouver son équilibre. Elle a donné naissance à deux enfants, aujourd'hui âgés de 2 et 4 ans, et a épousé un Canadien. Ses dernières démarches pour obtenir la résidence permanente se sont révélées fructueuses puisque Québec a donné son aval. Elle a obtenu son certificat de sélection du Québec (CSQ) et son dossier est en traitement à Ottawa.

Mais son expulsion vers le Mexique la forcera à recommencer cette démarche, qui dure plusieurs mois, auprès d'Ottawa.

«On ne peut pas être ministre de l'Immigration sans avoir de sentiments, dit l'ex-ministre de l'Immigration péquiste André Boulerice, venu soutenir la jeune femme. Ses enfants sont nés ici, ils sont canadiens, ils ont le droit de vivre avec leur mère. Si le ministre Kenney a un brin d'humanité, il peut arrêter ça.»

M. Boulerice invite aussi la ministre de l'Immigration du Québec Kathleen Weil à appeler le gouvernement fédéral. «Le Québec a reconnu Mme Ortiz en lui donnant un CSQ. Mais malheureusement, Ottawa a encore tous les pouvoirs là-dessus et c'est dommage.»

Québec solidaire a joint sa voix au concert de protestation, mercredi, et a demandé à Ottawa d'accorder la résidence permanente à Paola Ortiz.

Mme Ortiz, qui souffre de dépression et de choc post-traumatique, n'emmènera pas ses enfants avec elle: tous deux ont aussi besoin d'un suivi médical. L'aînée a des problèmes auditifs, le cadet est autiste. «Je peux seulement leur dire que maman les aime», a-t-elle dit.