Livrer bataille pour défendre la ferme familiale, c'est ce que fera à Québec Christian Lacasse, président de l'Union des producteurs agricoles (UPA). «C'est ici qu'on trouve les plus petites fermes en Amérique du Nord, a-t-il dit en rencontre éditoriale à La Presse. On a un modèle d'agriculture qui fonctionne, qui n'est pas parfait, mais qui est collé sur les valeurs du Québec.»

M. Lacasse ira bientôt présenter le mémoire de l'UPA à la commission parlementaire sur la politique bioalimentaire. Ses demandes: assurer l'avenir de la ferme familiale, mais aussi réintroduire un cours de cuisine obligatoire au secondaire, mieux indiquer la provenance des aliments et exiger des produits étrangers qu'ils satisfassent aux normes canadiennes.

L'objectif n'est pas de ressembler aux États-Unis, «où il y a de très petites fermes et des multinationales», a indiqué M. Lacasse. Une grosse ferme de bouvillons américaine «peut faire la production totale du Québec» à elle seule. «Ici, on n'a pas cette agriculture à deux vitesses», a-t-il précisé.

Mais nos fermes familiales sont en danger, selon le président de l'UPA. «Si on remet en question la mise en marché collective, qu'on enlève la réglementation, la ferme familiale sera la première à écoper, a-t-il prédit. Ces grandes tendances existent, même si elles n'ont pas tant trouvé écho dans le livre vert.»

Les agriculteurs perdront des revenus s'ils sont isolés, a-t-il averti. «Je suis producteur laitier, est-ce moi qui vais aller négocier avec Agropur ou Saputo, si on enlève la mise en marché collective? a-t-il demandé. Je n'aurai aucun rapport de force.»

Or, s'assurer que les fermes procurent «des revenus suffisants pour faire vivre une famille» est essentiel, selon lui.

275 millions de plus

Cela implique un soutien de l'État. L'UPA estime les besoins à 1,35 milliard par an, 275 millions de plus qu'en 2010. «L'agriculture et la transformation alimentaire, c'est 174 000 emplois directs et indirects au Québec, a fait valoir M. Lacasse. C'est 13 milliards du PIB. L'agriculture est un investissement rentable.»

Subventionner l'agriculture, c'est aussi assurer notre autonomie alimentaire, a-t-il plaidé. Seulement le tiers des aliments consommés par les Québécois proviennent des fermes d'ici. «En dessous de 50%, pour moi, c'est un problème», a indiqué M. Lacasse.

Pour favoriser l'achat local, l'UPA demande à Ottawa que la mention «Produit du Canada» s'applique dès que 85% des ingrédients sont canadiens. Cela permettrait notamment de mettre du sucre - produit d'ailleurs - dans une recette canadienne. Actuellement, il faut 98 % d'ingrédients canadiens, ce qui exclut confitures et gâteaux.

Respect de la réglementation

S'assurer que les produits importés respectent des normes environnementales et de salubrité aussi strictes qu'ici est urgent, a ajouté M. Lacasse.

«Les producteurs de fraises de Californie utilisent le bromure de méthyle, un pesticide très fort qui n'est pas homologué par Santé Canada, a-t-il dit. Ils nous exportent ensuite ces fraises. Il y a plein d'exemples comme celui-là. Chaque fois, on donne un avantage concurrentiel aux produits de l'extérieur.»

Pour informer les futurs citoyens de ces enjeux, l'UPA propose d'instaurer un cours «d'alimentation raisonnée» au secondaire, qui traiterait de santé, d'art culinaire, mais aussi de culture, d'environnement et d'économie.

«Le livre vert met le produit au centre de la future politique bioalimentaire, a rappelé M. Lacasse. J'ai un problème avec ça. L'aliment peut venir de partout ailleurs dans le monde! Notre agriculture, quelle place va-t-elle avoir dans la future politique?»