Les personnes handicapées ou obèses qui ont dû payer pour un siège supplémentaire lors d'un vol d'Air Canada pourront intenter un recours collectif contre le transporteur aérien, a tranché la semaine dernière la Cour supérieure du Québec.

Dans une décision rendue le 3 octobre dernier, la juge Catherine La Rosa autorise le dépôt d'«une action en dommages-intérêts compensatoires, moraux, punitifs et exemplaires contre Air Canada afin de sanctionner des pratiques et des politiques tarifaires discriminatoires à l'égard des personnes ayant une déficience et/ou souffrant d'obésité».

Le recours vise toutes les personnes handicapées ou obèses qui ont dû payer des frais additionnels pour la carte d'embarquement d'un accompagnateur ou pour l'utilisation d'un second siège pour elles-mêmes, sur un vol intérieur fait entre le 5 décembre 2005 et le

5 décembre 2008. Cette période, qui s'étend jusqu'à trois ans avant le dépôt de la requête, pourrait toutefois être étendue au moment de l'audience de la cause. Les accompagnateurs qui ont dû payer ces frais sont aussi admissibles. Wesjet était également visé par cette demande d'autorisation de recours collectif. La juge La Rosa a cependant tranché que les demandeurs, un fonctionnaire de Québec handicapé et sa femme, n'avaient pas l'intérêt requis pour exercer le recours.

Le plaignant dans le recours contre Air Canada, un homme de Baie-Comeau qui agit à titre de curateur de son frère handicapé, fonde en grande partie sa cause sur une décision importante rendue en janvier 2008 par l'Office des transports du Canada (OTC). Prônant le principe «un passager, un tarif», l'OTC a ordonné à Air Canada et WestJet de modifier leur politique tarifaire afin de s'adapter aux personnes handicapées et obèses. Les deux compagnies aériennes ont acquiescé à sa demande en janvier 2009. Sur présentation d'un certificat médical, les personnes handicapées ou obèses peuvent désormais bénéficier d'un deuxième siège sans frais supplémentaires. Ainsi, ce sont ceux qui ont volé sur un avion d'Air Canada avant la modification de cette politique qui sont concernés par le recours.

«On s'appuie sur la décision de l'OTC, mais la Cour supérieure n'est pas tenue d'aller dans le même sens, explique David Bourgoin, du cabinet BGA Avocats qui représente le demandeur. Mais, si la Cour dit que la décision de l'OTC ne s'applique pas, elle doit dire pourquoi.»

Fait plutôt rare pour un recours collectif exercé au Québec, celui-ci est ouvert à tous les Canadiens. «C'est peu usuel, mais c'est une chose qu'on plaide de plus en plus, note David Bourgoin. Dans ce cas-ci, tous les Canadiens sont susceptibles d'être affectés [par la politique tarifaire d'Air Canada].»

Le demandeur, identifié comme P... A... dans le jugement de la Cour, a dû acheter à deux reprises un billet d'avion pour accompagner son frère, qui ne peut voyager seul, à un camp de vacances spécialisé. Une mesure qui, juge-t-il, est discriminatoire et abusive parce qu'elle limite notamment l'accès des personnes handicapées et obèses à un moyen de transport, ce sur quoi le tribunal devra se prononcer.

L'avis aux membres n'ayant pas encore été publié, il est difficile d'estimer le nombre de personnes qui pourraient être visées par le recours collectif. «Les gens n'étant pas obligés de s'inscrire, on ne saura jamais vraiment combien de personnes seront touchées avant qu'une indemnisation soit versée», estime M. Bourgoin. Le demandeur exige d'Air Canada le remboursement des frais engagés par l'achat d'un second billet ainsi que le versement de 1000$ à chacun des membres pour dommages moraux et inconvénients et 500$ pour dommages punitifs et exemplaires. Selon David Bourgoin, il est possible que le montant des dommages soit modifié lorsque la cause sera entendue par le tribunal.

Une défaite d'Air Canada dans ce dossier risquerait de lui coûter cher. Lors des audiences devant l'OTC, le transporteur aérien avait fait valoir que la modification de sa politique tarifaire lui coûterait environ 7 millions de dollars par année. Air Canada n'a pas rappelé La Presse.

Maintenant qu'il a obtenu l'autorisation d'exercer un recours collectif, le demandeur compte déposer sa requête introductive d'instance à la Cour supérieure d'ici un mois et demi.