Jacques Duchesneau a été renvoyé ce matin de l'Unité anticollusion (UAC), cinq mois avant la fin de son mandat.

Robert Lafrenière, patron de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), a rencontré M. Duchesneau ce matin. L'unité de M. Duchesneau relève de l'UPAC.

«M. Lafrenière a décidé de mettre fin à son contrat, a confirmé Anne-Frédérick Laurence, porte-parole de l'UPAC. Vous connaissez le contexte. M. Duchesneau avait fait connaître publiquement son opinion sur la structure et sur le chef de l'UPAC. Dans ce contexte, il était devenu impossible de poursuivre la collaboration avec lui.»

Ce matin, M. Duchesneau rencontrait pour la première fois M. Lafrenière depuis une absence de quelques semaines. Il avait pris congé peu après une interview accordée à La Presse le 30 septembre. M. Duchesneau y critiquait sévèrement l'UPAC et son chef: «L'UPAC, c'est pas fort. Ils pensent police», déclarait-il.

Il poursuivait ainsi: «Il faut regarder le problème avec une lunette autre que policière et judiciaire. On oublie l'administratif. Et ce n'est pas un policier qui devrait être à la tête de l'UPAC, mais plutôt un juge à la retraite, comme John Gomery (qui a dirigé la commission d'enquête sur les commandites).»

Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, n'a pas voulu commenter ce congédiement. «C'est de la gestion des ressources humaines. L'UPAC  est autonome, libre et indépendante», a justifié son attaché de presse, Matthieu St-Pierre.

Le Parti québécois doit réagir très bientôt.

«L'UPAC reproche à M. Duchesneau son manque de loyauté, a déclaré quant à lui le député de Québec solidaire, Amir Khadir. Or, M. Duchesneau a fait preuve d'une grande loyauté envers le Québec. On souhaiterait en voir autant de la part de tous les détenteurs de charges publiques, notamment du premier ministre.»

Genèse d'un froid

L'unité de M. Duchesneau avait un mandat temporaire. Elle relevait initialement du ministère des Transports. Elle a été avalée en septembre dernier par l'UPAC, une structure permanente.

À la mi-septembre, le rapport de M. Duchesneau avait fait l'objet d'une fuite à Radio-Canada et La Presse. Le système de collusion et de corruption était d'une «ampleur insoupçonnée », s'inquiétait-il. Selon lui, on risquait même une «prise de contrôle de certaines fonctions de l'État» par le crime organisé. Le rapport augmentait très sérieusement la pression sur le gouvernement Charest pour qu'il déclenche une enquête publique sur l'industrie de la construction.

Après cette fuite, M. Duchesneau avait réservé ses premiers commentaires pour l'émission Tout le monde en parle. Il offrait alors une sortie de secours au premier ministre en proposant une commission d'enquête en partie à huis clos.

Le 27 septembre, il offrait un témoignage-choc en commission parlementaire. Il avait par la suite pris un congé de quelques semaines.

Cette journée-là, il ne semblait pas enthousiaste à terminer son mandat. «J'ai fini mon travail et j'ai écrit mon rapport», confiait-il à La Presse . «Est-ce que je suis prêt à me rembarquer? Si c'est dans les mêmes conditions, ma réponse est non», disait-il.

Il affirmait que cette décision était «intimement liée aux membres de (sa) famille». «Ils ont peur, avouait-il. Quand j'étais policier et que je m'occupais des motards, j'avais un statut, j'étais protégé. Là, je n'ai pas de pouvoir, je ne peux pas forcer quelqu'un à témoigner ni faire de l'écoute électronique. Je n'ai pas de statut, pas de protection. J'ai fait le tour du jardin, je vais partir.»