Le lieutenant politique des conservateurs au Québec, Christian Paradis, a définitivement rejeté, vendredi, les demandes du gouvernement Charest pour préserver une partie du registre des armes d'épaule.

M. Paradis a ainsi servi une fin de non-recevoir à une lettre adressée cette semaine à Ottawa par deux ministres québécois.

«C'est non, a-t-il dit lors d'une entrevue à La Presse Canadienne. On ne fera pas indirectement ce qu'on ne veut pas faire directement. C'est ça la réponse, donc ça se résume à un non.»

Selon le ministre, le Québec n'a pas la juridiction pour utiliser les données du registre recueillies par Ottawa en vertu du Code criminel, qui relève du fédéral.

M. Paradis admet que le gouvernement québécois a le droit de mettre sur pied son propre système d'enregistrement, mais il ne pourra l'établir sur la base des informations dont Ottawa dispose actuellement.

«Qu'ils s'en créent un registre, qu'ils s'en créent un. Mais ils n'auront pas les données du fédéral, ça c'est clair. On a dit qu'on l'abolissait, alors on l'abolit.»

Après avoir déposé mercredi dernier un projet de loi qui doit abolir le système d'enregistrement des armes d'épaule, les conservateurs ont résolu de l'adopter à toute vapeur, en recourant au bâillon. Le vote est prévu le mardi 1er novembre.

Dans une lettre envoyée à Ottawa mercredi, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, et son collègue des Affaires intergouvernementales, Yvon Vallières, demandaient aux conservateurs des modifications à la pièce législative.

Québec réclamait aussi qu'Ottawa entreprenne rapidement des négociations pour le rapatriement des données des citoyens québécois.

Tous les partis à l'Assemblée nationale ont unanimement réclamé, jeudi, le maintien du registre et la sauvegarde de ses données.

Les libéraux et les péquistes ont fait valoir que les contribuables québécois étaient copropriétaires du registre, puisqu'ils ont cofinancé sa mise en place.

Vendredi, M. Paradis a estimé que ce consensus des parlementaires ne fait pas le poids, notamment devant les préoccupations d'un regroupement de chasseurs québécois opposé au maintien de l'enregistrement des armes d'épaule.

«Ce n'est pas parce qu'il y a une motion unanime à l'Assemblée nationale que ça reflète ce qu'on entend dans la population, ça je peux vous le garantir», a-t-il dit.

Le gouvernement du Québec examine actuellement ses options, notamment la possibilité de recours juridiques pour préserver les données du système d'enregistrement.

L'abolition du registre des armes d'épaule s'ajoute à une liste d'initiatives des conservateurs qui ont soulevé des critiques au Québec.

La nomination de deux unilingues anglophones, l'un comme juge la Cour suprême et l'autre au poste de vérificateur général, ont suscité du mécontentement, tout comme un projet de loi omnibus sur la criminalité (C-10).

Fait rare, le ministre québécois de la Justice, Jean-Marc Fournier, ira d'ailleurs à Ottawa mardi exprimer les craintes de son gouvernement envers le projet de loi C-10 et son impact sur la réhabilitation des adolescents.

Commentant cette succession de développements, mercredi, M. Vallières avait d'ailleurs reconnu qu'ils témoignaient du fait que les conservateurs ont oublié le Québec, ce qui a fait bondir M. Paradis, vendredi.

Le ministre fédéral s'est empressé de rappeler que son gouvernement a récemment consenti une compensation de 2,2 milliards $ pour l'harmonisation de la taxe de vente, un dossier qui trainait depuis des années.

Se disant déçu des propos de M. Vallières, M. Paradis a aussi fait valoir l'annonce de la reconstruction du pont Champlain, à Montréal.

«S'il dit qu'on a oublié le Québec, je me dis qu'il a oublié de gros dossiers qu'on a réglés, a-t-il dit. Ce sont des dossiers majeurs dont on parle ici.»

«Je trouve ça vraiment regrettable qu'un ministre intergouvernemental, qui fait partie d'un gouvernement fédéraliste à Québec, dise des choses comme ça. Je ne pense pas que ce soit pour le bien de personne.»

Alors que les conservateurs ont subi un recul au Québec aux dernières élections, M. Paradis s'est montré confiant de pouvoir reconquérir les électeurs, malgré les critiques suscitées par certaines décisions récentes.

«On va faire des gains avec nos décisions et on va continuer de bien gérer l'économie, a-t-il dit. Les gens, ce dont ils me parlent, c'est d'avoir des bons services à bon coût et avec du pain et du beurre sur la table.»