Pour dénoncer la violence dont elles sont victimes et réclamer la décriminalisation de la prostitution, des travailleuses du sexe ont occupé brièvement un coin de rue du Red Light de Montréal ce matin, dans le cadre la 9e Journée internationale de lutte à la violence faite aux travailleuses du sexe.

Portant du rouge et munies de parapluies tout aussi écarlates, les manifestantes - en majorité des femmes - s'étaient donné rendez-vous à l'angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Laurent, au centre-ville. Selon elles, cela ne fait aucun doute: la décriminalisation de la prostitution permettrait de réduire la violence qu'elles subissent. «Les endroits de travail les plus sécuritaires, soit à l'intérieur, avec par exemple un personnel de sécurité, sont criminalisés en vertu des lois, explique Anna-Louise Crago, travailleuse du sexe et coordonnatrice clinique au groupe communautaire Stella. Et les façons de travailler (légales) les plus sécuritaires, soit en groupe ou dans des endroits non isolés, nous exposent le plus à la répression policière, nous et nos clients.»

La prostitution est techniquement légale au Canada, mais il est interdit de tenir une maison close, de faire la publicité de services de prostitution et de vivres des revenus de ce métier.

Selon les données de Stella, chaque année à Montréal, en moyenne de 50 à 60 travailleuses du sexe sont victimes de violence. Mais, ces chiffres seraient en réalité plus élevés puisque plusieurs prostituées n'osent pas porter plainte contre leur agresseur. Récemment, une prostituée qui marchait dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve a été interpellée par un homme qui lui a demandé l'heure. Ce dernier l'a ensuite prise par derrière et lui a mis un couteau sur la gorge avant de la violer et de la laisser inconsciente dans une ruelle. «Tant que les lois vont criminaliser ces femmes-là, des agressions comme ça, il va y en avoir encore, déplore la directrice générale du groupe Stella, Émilie Laliberté. Les agresseurs se disent: «Ce ne sont pas elles qui vont porter plainte, je peux continuer.»

Les manifestantes accusent le gouvernement Harper de ne pas protéger suffisamment les travailleuses du sexe. «Le gouvernement Harper dit que ce n'est pas sa responsabilité de protéger notre sécurité parce que nous avons choisi un métier dangereux, dit Anna-Louise Crago. Pourtant, il croit que c'est sa responsabilité d'assurer la sécurité des policiers, des chauffeurs de taxi et des militaires.»

Le groupe Stella fonde beaucoup d'espoir dans deux décisions qui seront rendues prochainement par des tribunaux canadiens. En mars dernier, la Cour suprême du Canada a accepté d'entendre la cause de prostituées de Vancouver qui contestent la législation canadienne en matière de prostitution. Aussi, en septembre 2010, la Cour supérieure de l'Ontario a invalidé des articles du Code criminel, estimant qu'ils contribuent à mettre en danger les travailleuses du sexe. Le gouvernement a porté la cause en appel. La Cour d'appel de l'Ontario n'a pas encore rendu sa décision.

Selon Stella, le nombre de meurtres de prostituées aurait augmenté au Canada depuis l'arrestation, en 2002, du tueur en série Robert Pickton. Entre 2001 et 2005, Statistique Canada a recensé 43 meurtres de travailleuses du sexe. Ces données ne sont depuis plus comptabilisées par l'agence fédérale. Au Québec, Stella a recensé 15 meurtres de travailleuses du sexe depuis 2001. La semaine dernière, la police d'Ottawa a confirmé qu'elle recherchait un «prédateur» qui pourrait être l'auteur des meurtres de six prostituées survenus au cours des 21 dernières années.

En France

Les travailleuses du sexe françaises sont également descendues dans les rues de Paris pour protester contre une récente proposition de loi visant à pénaliser les clients. «Je suis majeure, j'ai toutes mes dents, touche pas à mon client», a entonné, avant le départ du cortège, «Mademoiselle», une grande blonde transsexuelle posant en bustier, string, porte-jarretelles et talons hauts devant les photographes.

Selon la proposition de loi, déposée le 6 décembre dernier à l'Assemblée nationale, les clients seraient passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à deux mois d'emprisonnement et 3750 euros d'amende (5000$).

Ces manifestations surviennent le jour où la police confirme que des restes humains trouvés sur les côtes de Long Island, à New York, appartiennent à Shannan Gilbert, une prostituée du New Jersey qui était portée disparue depuis mai 2010. Dans leurs recherches visant à retrouver Mme Gilbert, les policiers ont retrouvé les restes de 10 autres personnes, toutes reliées au monde de la prostitution, soulevant ainsi spectre d'un tueur en série.

Avec l'Agence France-Presse et Associated Press