La nomination de l'unilingue anglophone Randy Cunneyworth à la barre du Canadien de Montréal a été dénoncée sans réserve par la classe politique québécoise, lundi.

Par «respect pour les partisans», la direction du Canadien doit s'assurer que son entraîneur-chef soit capable de s'exprimer en français, a fait valoir la ministre de la Culture, Christine St-Pierre.

«Le Canadien dit que c'est temporaire, mais c'est malheureux. Il est important que l'entraîneur-chef soit capable de communiquer avec les partisans», a-t-elle déclaré.

Bien plus qu'une simple équipe de hockey détenue par des intérêts privés, le Canadien de Montréal est une «institution» et à ce titre, il a une responsabilité à l'égard du français, a affirmé la ministre responsable de la Charte de la langue française.

«Il y a un élément de fierté pour les Québécois. Le Canadien est dans nos gènes, c'est une institution et le Canadien doit avoir cette sensibilité (à l'égard des francophones). Je trouve ça malheureux», a-t-elle insisté.

Sa collègue responsable du Sport, Line Beauchamp, a évoqué à peu de choses près les mêmes arguments.

«J'ai compris que c'était un intérim, mais on insiste pour dire que le Canadien est une institution, ça fait partie de notre patrimoine, on a ça dans notre ADN, cela commande des impératifs, ça commande que l'entraîneur doit pouvoir s'exprimer en français», a dit Mme Beauchamp.

L'opposition péquiste a aussi blâmé sans détour la direction du Tricolore, l'accusant d'afficher un mépris pour la majorité francophone, son principal marché.

«Lors de l'annonce, les gens du Canadien n'ont même pas eu le réflexe de préparer un petit mot en français pour Cunneyworth. On ne vaut même pas la peine d'un effort de relation publique», a dit le porte-parole du Parti québécois en matière de langue, Yves-François Blanchet.

Pour protester, le député de Drummond a l'intention d'éviter les produits brassicoles de la famille Molson. Il ne s'agit pas d'un appel au boycott mais d'une démarche toute personnelle, a-t-il expliqué.

«Je ne fais pas partie d'un mouvement de boycott mais si je vais dans un dépanneur, il y a des chances que j'achète autre chose que de la Molson parce que je suis fâché contre eux. Pour le reste, je m'en remets au bon jugement des consommateurs», a indiqué M. Blanchet.

De son côté, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a reproché à la haute direction du club d'avoir pris «une mauvaise décision» en confiant la barre de l'équipe à un individu incapable d'échanger avec la majorité des partisans.

«On devrait s'attendre, par respect pour la population qui est à majorité francophone au Québec, que l'entraîneur de cette institution soit capable de s'exprimer en français. Ça a été une mauvaise décision», a-t-il lancé.

Si le Canadien continue d'accumuler les défaites, la famille Molson aura l'occasion de réparer plus tôt que tard son erreur, a poursuivi le politicien le plus en vue au Québec.

Les personnalités politiques québécoises ont joint leur voix à celles de plusieurs groupes, comme Impératif français et la Société Saint-Jean-Baptiste, qui ont réprouvé l'unilinguisme du nouvel entraîneur-chef.

Avec la nomination de Randy Cunneyworth, la direction du Canadien a rompu la longue chaîne d'entraîneurs anglophones bilingues ou francophones qui se sont succédé derrière le banc de l'équipe ces dernières décennies.

Il faut en effet remonter à Al McNeil en 1970-71 pour retrouver un entraîneur-chef du Canadien incapable de s'exprimer en français.

La «Ligue québécoise contre la francophobie canadienne» a demandé lundi aux Québécois de boycotter les produits Molson.

«Nous sommes nombreux au Québec et dans toute l'Amérique française à se demander, au lendemain de la désignation d'un unilingue anglais comme entraîneur-chef, si la direction de l'équipe du Canadien de Montréal ne serait pas atteinte d'une francophobie», a écrit le porte-parole du groupe, Gilles Rhéaume, dans un communiqué.

Plus encore, l'organisme exige «la destitution» de Randy Cunneyworth.

Quant à lui, le «Rassemblement pour un pays souverain» a réclamé la démission de Pierre Gauthier, directeur-général du Canadien.

«Il est choquant de voir qu'il n'y a presque plus de joueurs francophones dans cette équipe, que l'instructeur soit devenu unilingue anglais, de même que le capitaine de l'équipe. Ils ne sont capables de s'adresser au public en français que par le biais d'un traducteur», a pesté le président de l'organisme, Benoît Roy.

Selon lui, cette situation est imputable «à des francophones tels que Pierre Gauthier», incapable, à son avis, de défendre la «francité» au sein de la haute administration du Canadien de Montréal.