Le ministre québécois de la Justice, Jean-Marc Fournier, a annoncé lundi une augmentation de l'indemnité qui sera versée aux jurés lors de procès criminels.

Le ministre a précisé que l'indemnité quotidienne passera de 90$ à 103$. Pour les procès de longue durée, elle atteindra 160$ à compter du 57e jour depuis la constitution du jury, ce qui représente la neuvième semaine de travail pour les jurés.

«Le rôle des jurés est au coeur de notre système de justice criminelle, et nous souhaitons leur offrir une indemnisation plus adéquate», a indiqué M. Fournier, de passage à Montréal. «Ils jouent un rôle crucial dans notre système de justice.»

Avec cette augmentation, le Québec devient la province canadienne la plus généreuse envers ces citoyens appelés à remplir leur devoir en cour, une situation que le ministre n'a eu aucun mal à justifier.

«Les jurés doivent parfois laisser leur propre vie de côté et la mettre sur la glace durant leur travail en cour. Ces hommes et ces femmes composent avec un arrêt de travail prolongé, une perte de salaire et des difficultés à satisfaire à leurs obligations familiales et sociales. Nous le reconnaissons, le travail de juré comporte des sacrifices sur le plan personnel», a-t-il déclaré.

Cette mesure devrait coûter annuellement environ 1,15 million $ au gouvernement québécois, le ministre Fournier indiquant que l'on s'attend à une moyenne annuelle de neuf «mégaprocès» et que, de ce fait, il est nécessaire de permettre aux jurés d'agir en toute sérénité.

«À cause d'une criminalité changeante, nous observons depuis les dernières années un essor des procès de longue durée - ou «mégaprocès» - à la suite d'opérations policières d'envergure. Il nous faut donc agir pour revoir à la hausse ces indemnités et assurer aux jurés une plus grande sécurité financière.

Fait rare, la conférence de presse du ministre se déroulait dans une salle d'audience du palais de justice de Montréal fraîchement rénovée pour accueillir, justement, des mégaprocès. On y retrouve un box des accusés vitré et blindé pouvant accueillir jusqu'à 20 prévenus, des équipements audiovisuels et informatiques à la fine pointe de la technologie, et un mobilier pouvant accueillir de multiples avocats de la défense.

Jusqu'ici, trois salles ont été rénovées dans l'édifice montréalais, et trois autres seront aménagées de la même manière au cours des prochains mois. Deux autres salles de 50 places reliées par audiovisuel pourront accueillir le trop-plein de spectateurs, qui pourront ainsi suivre le procès. Ces réaménagements coûteront, au total, 3,7 millions $.

Délais de prescription

Par ailleurs, le ministre s'est montré extrêmement prudent lorsqu'interrogé sur la possibilité d'abolir le délai de prescription dans les cas d'agression sexuelle.

Il n'existe pas de délai de prescription pour porter des accusations criminelles, mais il y en a un de trois ans pour intenter des poursuites civiles. Ainsi, un agresseur sexuel qui serait trouvé coupable 15 ans après le fait ne pourrait être poursuivi au civil, en vertu des règles en vigueur actuellement.

Le ministre Fournier a précisé qu'il entend déposer une initiative à ce sujet à l'Assemblée nationale dans les mois à venir, mais la teneur de ses propos laisse croire que sa réflexion est loin d'être terminée.

«Nous avons réfléchi à la question de la prescription», a-t-il d'abord indiqué. «La prescription, on la suspend? On l'abandonne? On l'abroge? On la prolonge? À  l'égard de quoi, de quel type de geste et de réclamation? En dommages, on l'a fait. Il y a donc deux enjeux différents. Est-ce que c'est l'abrogation, pour un type de comportement? Est-ce qu'il y a plus de types de comportement qui doivent être envisagés?»

Autant de questions auxquelles le ministre Fournier n'a apporté aucune réponse.

Assurance juridique privée?

Dans un autre ordre d'idées, le ministre de la Justice a dit avoir donné le mandat à un groupe d'experts d'étudier la faisabilité d'un projet d'assurance juridique privée destinée aux personnes qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique.

M. Fournier estime que les plus démunis sont bien servis par l'Aide juridique gratuite, tout comme le sont les personnes un petit peu moins démunies, qui ont droit à l'aide juridique, mais avec une contribution de leur part. Le ministre reconnaît toutefois qu'entre ces derniers et les plus riches, qui peuvent se payer un avocat à grands frais, une tranche importante de la population doit se débrouiller tout seuls.

«Qu'est-ce qu'on fait avec cette classe moyenne?, s'est-il interrogé. On a essayé de trouver des moyens d'avoir une assurance juridique privée qui soit plus globale que ce qui existe présentement.

«Il s'agit de voir ce qu'on peut mettre sur pied - peut-être des incitatifs - pour que les gens puissent avoir un programme d'assurance plus complet. L'objectif, c'est que les gens puissent avoir accès à la justice», a-t-il conclu, expliquant que plus de détails seraient connus au cours des prochains mois.