D'après la plus vaste étude jamais réalisée sur le sujet, les jeunes qui ont vécu le suicide d'un parent sont trois fois plus susceptibles de s'enlever la vie que ceux qui n'ont pas subi ce traumatisme. Et ils sont jusqu'à deux fois plus susceptibles d'être hospitalisés à la suite d'une tentative de suicide, d'une grave dépression, d'une psychose ou de troubles de la personnalité.

Vivre la même perte à l'âge adulte n'a pas cet impact, précisent les chercheurs de l'université américaine Johns Hopkins, dans le Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry. Selon eux, l'explosion des risques chez les enfants et les adolescents ne résulte donc pas d'une simple vulnérabilité génétique. À certains âges, les jeunes ont sans doute trop de mal à affronter le tsunami d'émotions déclenché par le suicide d'un proche - un cocktail complexe de peine, de culpabilité, de colère et de honte, qui les pousse à s'isoler au lieu de demander de l'aide.

«Après un suicide, ceux qui restent souffrent de façon différente et plus intense que dans d'autres situations de deuil», a résumé en 2002 l'Organisation mondiale de la santé dans des «indications pour la mise en place d'un groupe de soutien à ceux qui restent».

À Laval, c'est chose faite depuis la fin des années 90. «Je pensais adapter ce qui se faisait ailleurs, mais il n'y avait rien, à l'époque», se souvient Josée Lake, de la Ressource régionale suicide de Laval du CSSS local.

Pour offrir un groupe de thérapie aux enfants (et un autre aux adolescents), l'intervenante a dû créer un programme de toutes pièces. Aujourd'hui, au fil de 12 rencontres, les participants se racontent, écrivent une lettre à leur parent disparu, jouent, écoutent une histoire symbolique et signent un contrat: «Je promets que lorsque j'aurai des difficultés (grosses ou petites), j'irai en parler à un adulte responsable. Si l'adulte que j'ai choisi ne m'écoute pas, je trouverai un autre adulte à qui en parler et j'essaierai de nouveau.» Les jeunes dessinent aussi beaucoup - très souvent des cercueils, des coeurs, des tornades, des tempêtes ou des visages en larmes. «À son arrivée, un enfant de 6 ans n'utilisait plus que du noir. Mais après trois rencontres, il a recommencé à utiliser des couleurs», rapporte Mme Lake.

En 2006, des chercheurs du Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie (CRISE) de l'UQAM ont officiellement confirmé que le programme réduit les réactions de deuil, les symptômes d'anxiété et de dépression ainsi que les comportements perturbateurs. Il augmente en parallèle l'espoir et l'estime de soi.

Aux États-Unis, d'autres chercheurs ont validé des programmes similaires et conclu qu'il fallait les multiplier. Depuis 10 ans, Josée Lake a formé des intervenants dans une dizaine de régions du Québec. Les services restent malgré tout embryonnaires. Après avoir participé au groupe de thérapie, les adolescents peuvent fréquenter un groupe d'entraide une fois par mois. Ils viennent actuellement de Montréal, Saint-Lambert, Rawdon, Joliette, Repentigny ou Salaberry-de-Valleyfield, prêts à avaler des dizaines de kilomètres pour apaiser leurs tourments.

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Obtenir de l'aide 



Les enfants interviewés aux fins de ce reportage ont tous le même message pour les parents désespérés et les autres jeunes endeuillés: «Demandez de l'aide.» Voici comment.

> Pour les proches

Groupes de thérapie pour enfants ou pour adolescents ayant perdu quelqu'un par suicide

Ressource régionale suicide de Laval

450-627-2530 poste 34888

> Pour les gens en détresse et leurs proches

Suicide Action Montréal

514-723-4000

Ailleurs au Québec

1-866-277-3553

Centres de crise

www.rccgm.com, pour trouver le centre et la ligne téléphonique de votre secteur.