Une paire de lunettes, trois cellulaires, une brosse à dents, des sous-vêtements de rechange, un trajet griffonné à la main, des illustrations religieuses et la promesse d'une vie meilleure: c'est tout ce qui reste à un Srilankais de 25 ans arrêté en train de traverser illégalement la frontière par une nuit glaciale de janvier.

Les effets personnels du jeune homme sont éparpillés sur la table d'une pièce utilisée pour les interrogatoires au quartier général de l'escouade Concept, à Venise-en-Québec.

Il y a une heure, il a été intercepté, en compagnie de deux ressortissants étrangers originaires de l'Érythrée, à deux kilomètres de la frontière près de Lacolle. Leur cavale de quelques heures a débuté en après-midi à Buffalo.

Les deux plus jeunes baragouinent à peine l'anglais. L'homme originaire du Sri Lanka raconte s'être rendu aux États-Unis en bateau il y a deux mois. Il a décidé de tenter sa chance au Canada après qu'on lui eut refusé sa citoyenneté américaine. Et pas question de rentrer chez lui, où vit encore sa famille. «Sri Lanka is problem», murmure-t-il, en fixant le sol. Il espère rejoindre un oncle qui habite Toronto. C'est sa mère, au Sri Lanka, qui a organisé et payé son passage vers le Canada. Il a donné 2000$ au passeur rencontré à Buffalo.

Le paiement s'est fait dans la voiture des passeurs, à proximité de la frontière. On lui a dit de marcher en ligne droite durant 20 minutes pour aboutir au Canada. Le trajet s'est étiré sur trois heures, en chaussures de sport dans la neige, à -20 degrés.

«C'était très difficile et très froid», décrit pour sa part le plus âgé des trois, originaire de l'Érythrée. Il a vécu aux États-Unis durant 15 ans avant de traverser au Canada, après avoir épuisé tous ses recours. «Je veux vivre ici parce que je n'ai plus le choix», résume-t-il.

L'homme raconte avoir passé les trois dernières semaines dans une église de Buffalo, où il a rencontré ses deux compagnons d'infortune et le passeur, qui a exigé 900$. «J'ai appris il y a deux mois qu'on pouvait traverser illégalement. Ça ne m'avait jamais traversé l'esprit avant», explique-t-il dans un bon anglais.