Vous avez probablement déjà gagné assez d'argent, en 2012, pour payer l'épicerie toute l'année. Le revenu personnel disponible des Canadiens est de 30 255$ par année et leurs dépenses en aliments, en boissons et en tabac, de 3583$. À la mi-février, ils atteignent donc «l'affranchissement des dépenses alimentaires», estime l'Union des producteurs agricoles du Québec (UPA).

«On se situe dans le top 5 des pays où ça coûte le moins cher au monde pour se nourrir», a dit à La Presse Marcel Groleau, président de l'UPA. Les Américains dépensent encore moins pour leur épicerie (8,9% des dépenses des ménages, comparativement à 13,3% au Canada), en raison de subventions généreuses de l'État. Mais les Français paient proportionnellement plus pour manger (16%), comme les Mexicains (25%).

Si s'alimenter coûte peu cher au Canada, c'est en bonne partie grâce aux agriculteurs, qui produisent des aliments de qualité, en abondance, en tout temps et à prix abordable, selon l'UPA. «Comme on est en concurrence sur les marchés nord-américains et mondiaux, ce qui est produit et vendu ici est compétitif», a indiqué M. Groleau.

Un iPhone avant un produit du terroir

«Dire que les agriculteurs d'ici offrent des aliments à bas prix, je pense que ce serait exagéré, a nuancé Michel Morisset, professeur au Département d'économie agroalimentaire de l'Université Laval. Eux aussi sont dans les affaires: ils vont vendre au meilleur prix qu'ils peuvent obtenir.»

C'est plutôt parce qu'ils sont riches que les Canadiens dépensent peu au supermarché. «Dépassé un certain niveau de revenu, vous allez consacrer le revenu supplémentaire à autre chose qu'à l'alimentation: au logement, aux loisirs, à toutes sortes d'autres dépenses», a expliqué M. Morisset.

En ventant les vertus de l'alimentation abordable, l'UPA «se tire dans le pied», a estimé Sylvain Charlebois, doyen par intérim du collège de management et d'économie de l'Université de Guelph. «On décourage les Québécois d'investir dans leur panier d'épicerie alors que les produits du terroir, de bons produits de qualité, coûtent cher», a-t-il observé.

Le prix des aliments devrait augmenter d'au plus 2% en 2012, au Canada, selon une étude cosignée par M. Charlebois. La vive concurrence entre les chaînes d'épiceries et leur grande efficacité logistique expliquent que l'alimentation reste abordable. «Mais si j'étais un producteur agricole, j'aimerais faire affaire avec un consommateur qui veut investir davantage en nutrition, au lieu d'acheter une plus grande télévision», a dit l'expert.

32 minutes par semaine à l'épicerie

Les Québécois consacrent, en moyenne, 32 petites minutes par semaine à l'achat de produits alimentaires, selon l'UPA. Ils vont néanmoins 160 fois par année au marché d'alimentation (soit trois fois par semaine), dépensant 22$ par visite. Il n'y a que le logement (dépenses annuelles de 11 316$ et le transport (8380$) qui occupent une plus grande part du budget des ménages québécois que l'alimentation (7215$, incluant les achats au restaurant).

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Proportion des revenus des ménages consacrée à l'épicerie

États-Unis : 8,9%

Singapour : 9,6%

Canada: 13,3%

Royaume-Uni : 13,3%

Suisse : 13,5%

France: 16%

Chine: 24,5%

Russie: 31,2%

Source: Aliments, alcool et tabac achetés à l'épicerie en 2010, USDA, fourni par l'Union des producteurs agricoles du Québec.