L'installation de nouveaux radars photo aux endroits choisis par Québec, qui en contrôlera également les revenus, est «inacceptable» et bafoue l'autonomie des villes, a dénoncé le maire de Montréal, Gérald Tremblay. Il a été rejoint dans sa charge par les deux associations de municipalités québécoises, qui ont demandé au ministre des Transports, Pierre Moreau, de reconnaître leur expertise à ce sujet.

Déposé mercredi à l'Assemblée nationale, le projet de loi 57 rend permanent le déploiement de radars photo sur le réseau routier provincial. En 2009, 15 appareils ont été mis en place dans le cadre d'un projet-pilote; on en ajoute aujourd'hui 25. Les automobilistes devront être prévenus de la présence d'un radar photo. Le projet de loi prévoit que ces appareils pourront aussi être placés dans les zones scolaires et près des chantiers routiers pour inciter les conducteurs à réduire leur vitesse. Le projet-pilote de 2009 a révélé que ces appareils réduisaient le nombre des accidents de 20 à 30%.

Le ministère des Transports du Québec (MTQ) a proposé ce nouveau projet-pilote aux villes de Montréal et de Québec. Seule la deuxième a accepté.

«Ce projet démontre une fois de plus un manque de compréhension de la réalité de la métropole du Québec, a déclaré en point de presse le maire de Montréal, Gérald Tremblay. Nous sommes favorables aux photoradars, mais nous voulons que la situation particulière de Montréal soit reconnue. On est capables de collaborer avec le gouvernement du Québec, mais pas quand il vient se substituer aux villes.»

Dix millions à récolter

L'administration Tremblay souhaitait d'abord pouvoir décider des lieux d'implantation des radars photo, «plus particulièrement dans les zones scolaires, les parcs et les chantiers routiers». On voulait étendre leur utilisation à de nombreux carrefours jugés dangereux, et ne pas être obligé de signaler chaque appareil par un panneau de signalisation. Comme pour le virage à droite au feu rouge, on installerait de grands panneaux à l'entrée de la ville.

Mais c'est surtout au chapitre de la répartition des revenus générés par ces radars photo que le maire Tremblay s'est montré particulièrement virulent. «Le photo radar installé à Atwater il y a plusieurs mois a généré 10 millions de revenus. Où sont-ils allés? On veut que tous les revenus de Montréal restent à Montréal, pour la sécurité routière.»

La gestion centralisée des appareils, qui relève de la Sûreté du Québec et du procureur général du Québec, est une autre gifle aux villes, estime le maire. «Où est l'autonomie des municipalités? Ça fait des années qu'on demande le droit d'installer des photo radars à Montréal. Encore une fois, le gouvernement du Québec prend une bonne idée de Montréal et décide de la centraliser.»

Fait rare, le maire Tremblay a reçu l'appui inconditionnel des deux partis de l'opposition à l'hôtel de ville. «Ce n'est pas au gouvernement du Québec de décider où on va mettre les photo radars, a déclaré Richard Bergeron, chef de Projet Montréal. Et les revenus doivent être encaissés par Montréal pour la sécurité routière, mais comme nous l'entendons.» La chef de Vision Montréal, Louise Harel, a en outre appelé Québec à reconnaître le statut «particulier» de Montréal et à financer son service de police en conséquence.

Longueuil d'ailleurs souhaite bénéficier des radars-photos. «C'est une avenue qu'on veut exploiter. On verra avec notre service policier pour en avoir. Ça fait partie des solutions qu'on peut envisager sur notre territoire», a indiqué la mairesse Caroline Saint-Hilaire. Celle-ci a précisé qu'elle souhaite que l'emplacement des appareils sur son territoire soit déterminé par ses propres services.

L'Union des municipalités du Québec a donné son appui au maire de Montréal, estimant que «le ministre doit donner aux municipalités la pleine capacité de gérer les radars photo sur leurs territoires. Elles ont toute l'expertise et les compétences pour le faire», a déclaré par communiqué le président de l'UMQ et maire de Rimouski, Éric Forest.

Labeaume d'accord

En point de presse à Québec, le ministre des Transports Moreau a précisé que le gouvernement comptait placer 6 appareils mobiles sur le territoire de la Ville de Montréal. Il ne peut se rendre aux arguments du maire Tremblay qui estime que les recettes pourraient être aiguillées vers des problèmes de sécurité publique comme les sans-abris. Le fait que les revenus tirés des contraventions aillent en totalité à des mesures de sécurité routière «est un élément déterminant dans l'acceptabilité sociale de ces radars photo», explique-t-il. Montréal voulait beaucoup plus d'appareils, et avoir la latitude d'injecter les revenus où bon lui semble, des exigences que ne pouvait accepter Québec.

Présent au point de presse, le maire de Québec, Régis Labeaume ne s'offusquait pas du tout de voir le ministère des Transports, conserver le contrôle sur les 4 appareils supplémentaires déployés dans sa ville dans le cadre du projet pilote de 18 mois annoncé mercredi.

Au contraire, «le fait que ce soit géré par le gouvernement cela fait notre affaire» de laisser tomber M. Labeaume. En novembre dernier il était revenu à la charge et demandé à Québec des «mesures coercitives» pour réduire le nombre très élevé, d'accidents de la route sur le territoire de l'agglomération de Québec. Les automobilistes tendent à traverser les quartiers résidentiels pour éviter les embouteillages des grandes artères, ce qui accroît les risques d'accident. La ville attendait depuis trois ans la possibilité d'utiliser ces photos radars. Sur le territoire des villes -si d'autres municipalités se joignent au projet, les recettes iront aux mesures de sécurité routière adoptées par les municipalités.

Les recettes des contraventions sur les routes provinciales seront administrées par la Table de sécurité routière, des fonds seront attribués aux groupes les plus vulnérables, les handicapés, et aux victimes des accidents, de préciser le ministre Moreau. Comme le recommandait une commission parlementaire en novembre dernier, on placera les appareils sur des sites qui présentent plus de risques d'accident.

«Il y a quelques décennies, les usagers de la route ont adopté la ceinture de sécurité au Québec. Maintenant, l'heure est venue de s'habituer à la présence des radars photo» de soutenir M. Moreau.